Un désir fou d’être en lien
Entendre un proche, qu’il fasse parti de son entourage familial, amical ou professionnel, exprimer un ressenti de manque de lien est sûrement familier au lecteur.
Les mots qui racontent l’absence, la distance de l’autre ? Jamais là, trop occupé, égoïste, distant, pas assez attentionné, lointain, froid…
Les mots qui racontent le ressenti ? Abandonné, seul, inexistant, oublié, inintéressant, mort, exclu, perdu…
Aucun doute à avoir ! A écouter ces mots, l’humain est un animal social et il apparait évident nous avons toutes et tous besoin de lien.
Mais de quoi parlons-nous plus précisément quand nous réclamons du lien ou ressentons son absence ? Nous sommes évidemment tentés d’en chercher les causes dans quelques souvenirs passés de nos rapports aux autres, même si nous avons compris que nos souvenirs sont remaniés, fictionnés au fil du temps et de l’usage que nous en faisons. N’empêche, nous sommes accrochés au lien comme une nécessité vitale. Normal du point de vue de la mémoire de survie du nourrisson que nous avons été. Démesure du point de vue de l’adaptabilité de l’être en vie que nous sommes et de sa croissance.
Et si nous laissions parler la logique de nos émotions pour nous guider, telle une boussole pour donner un sens vivant à ce désir ?
Un constat d’abord : ce désir de lien est fondé sur l’expérience de vie et donc il est inhérent à l’existence même : nous sommes vivants du fait d’avoir expérimenté un lien, charnel durant 9 mois de gestation, nutritionnel et relationnel doté d’affection le plus souvent mais pas toujours, puis social. Nous empilons donc dans nos mémoires ces expériences, pour le meilleur que nous désirons conserver, pour le pire que nous désirons fuir ou contrôler et qu’à défaut, nous subissons.
Le lien existe. Comment il existe dans nos mémoires, nos habitudes et, à partir d’elles, dans nos ressentis constitue notre histoire et participe à notre sécurité intérieure comme à notre identité.
Contraint d’être en lien par notre nature même, structurelle, mémorielle, affective et sociale, comment faire bon usage des ressentis de manque et ressentiment ? Comment cette connaissance nous aide-t-elle de traverser les épreuves de la distance ou de la séparation ? C’est là que la boussole émotionnelle va nous aider.
En tout premier lieu, elle nous responsabilise sur le sens, la fonction des ressentis : la douleur éprouvée -le manque- nous signale un comportement inadapté pour répondre au désir d’exister en relation-lien- avec l’autre. Cet autre présent ou absent. A nous de prendre notre courage à deux mains pour nous rapprocher du « comment je fais lien ? »
Est-ce que je le vérifie ? je le contrôle ? je l’entretiens à tout prix ? j’attends de recevoir ? j’explique à l’autre mon besoin de lien ? je fuis dans l’espoir d’être suivi ? je me torture l’esprit à chercher pourquoi l’autre n’est pas plus en lien ?
Autant d’habitudes qui tendent à défendre le lien ou s’en défendre, au risque d’entretenir le ressenti de manque, et ajoutent à l’émotion primale, de peur colère tristesse, des sentiments de culpabilité, d’angoisse ou de violence puisque tel est le mécanisme bio-cognitif à l’œuvre chez chacun.
Et si nous ajoutions un petit pas de côté à ce que nous faisons ? Si nous remplacions le terme lien par celui de relation ? Car si le lien est biologique, la relation, elle, se cultive. Qu’est-ce qui me relie à l’autre ? Comment je me relie déjà à lui qui me donne un ressenti sur la nature de ma relation ? De quoi suis-je responsable dans ce rapport à autrui si ce n’est déjà de ce que je donne ?