« Sans doute, l’avez-vous remarqué : notre attente -d’un amour, d’un printemps, d’un repos- est toujours comblé par surprise ». Christian Bobin, poète et romancier
Le poète a ceci de merveilleux : il trouve les mots qui ouvrent l’espace d’une expérience indicible ou que, jusqu’alors nous n’avions pas su nommer.
Pour nous, défricheurs du système émotionnel pour lesquels la biologie est le langage du vivant, l’émotion ouvre aussi l’espace d’une expérience sensorielle, intime, vibrante d’un instant court de perte de stabilité face à un événement qui dérange notre ordre, attendu et anticipé de certitudes. Si nous négligeons cette expérience corporelle, elle prend le pouvoir sur notre conscience et s’impose dans l’agitation, les cris ou le silence, avant de se prolonger dans le temps dans des habitudes et de générer force ressentis et projections dans un futur nourri de passé. Criante ou subie dans le silence, l’émotion déjoue nos attentes et nous comble par surprise. Comme si elle savait mieux que nous l’orientation de notre existence.
Le poète, comme l’écoutant en Logique Emotionnelle, est celui qui aime les surprises, celles qui saisissent le corps pour le rendre plus sensible, plus malléable, plus accueillant envers sa propre capacité adaptative et sa croissance. Plus accueillant ainsi envers les autres et un monde en transformation par nature.
Le poète, comme l’écoutant, se fie au langage comme à un ruisseau qui court : il suit le sentier car celui-ci, sans vraiment savoir où il va, sait pourtant le chemin vers l’existence. Même si, bien souvent, la voie tortueuse est semée d’embûches et l’énergie à fournir démesurée.
Le bon sens de l’émotion, dans son langage vibrant de désir d’existence tant physique que cognitif, est doté de capacités adaptatives stupéfiantes : savoir, enfin, le langage de l’émotion nous fait prendre le risque d’être comblé… par surprise. Comme inspiré.
« Ne rien prévoir, sinon l’imprévisible, ne rien attendre sinon l’inattendu » Du même auteur dans le même ouvrage.