Meilleurs voeux ou bonnes plaintes ?
Appel lancé ou remerciement exprimé à une divinité afin qu’elle influe favorablement sur nos vies, nous re-voilà en ce début d’année dans ce lieu-moment renouvelé des voeux échangés. La lumière gagne chaque jour un peu sur la nuit.
Ah les voeux ! Cette « obligation du sentiment » à laquelle mon désir de liberté résiste jusqu’à faire prendre du retard à cette infolettre !
Chacun réagit à son goût à cette obligation et nourrit son désir, répondant à ce qu’il choisit de se représenter du monde pour occuper son corps-esprit : la préoccupation bienfaisante d’un quotidien rempli de ce qui doit être fait – et l’est plutôt (vous faites déjà tout ça bravo !) ? L’image d’un hiver écologique qui s’annonce ? La lumière d’un espoir de fraternité qui grandit face à ce qui peut être vécu comme menaçant ? l’expérience de l’amour ? et mille et une variantes…
Alors, aujourd’hui, 16 janvier 2023, à quelle puissance tutélaire adresserai-je nos voeux de l’Institut ?
Et si c’était simplement l’occasion de nous manifester de nouveau ? Manifester ? c’est dire : « présent ! »
Dire Présent ! Malgré nos renoncements à des idéaux pourtant lancinés, malgré le fait d’avoir choisi le confort d’un foyer plutot que d’aller auprès d’amis ou de parents, malgré tout ce à quoi nous sommes restés aveugles (ce qui, hors de notre conscience, mais bien dans ce monde, a pu être vécu comme blessant par d’autres), malgré nos hontes (bien bues à Noël j’espère ?)…
Vous voyez ce dont je parle ? Tous ces possibles que je choisis de regarder comme « pas fait », « ça manque », « oups » et « gloups »… et que je me reproche parfois (au nom de quel désir ?).
Tous ces « manquements » qui nous font humain… imparfait… et dont les autres peuvent choisir de se plaindre à tort ou à raison (c’est tout le sujet)…
Qu’avons nous à offrir sinon notre présence renouvelée, malgré tout ?
« Quand quelqu’un voyage il apprend beaucoup de choses sur lui-même. Si on va là où il n’y a que solitude, on apprend à vivre sans plainte. » Jorn Riel
Dans son dernier ouvrage, A l’Est des Rêves, autour d’habitants de l’Alaska, les Even, Nastassja Martin, anthropologue, nous invite à arrêter de pleurer sur les cataclysmes qu’on imagine. Les premiers concernés voient leur sol se dérober sous leurs pieds et pourtant ils ne perdent aucune occasion de rire !
Ce qui nous arrive nous ne le contrôlons pas, mais notre manière d’habiter la terre, elle oui !
Choisissons-nous le rapport destructeur et pauvre, brutaliser, créer du non-lien avec ce qui nous entoure ? Choisissons nous plutôt un rapport riche au vivant – y compris non-humain ?
Et comment font les Even pour vivre malgré tout sur la terre ? Ils recommencent à rêver ! « On n’a pas forcément besoin d’être en co-présence avec les êtres qui nous entourent pour être en relation avec eux. Ces histoires et les êtres qui la peuplent sont capables d’opérer des décalages à l’intérieur de nous-même. »
Quel que soit leur « impact », nos gestes, à savoir regarder avec attention ce qui vit, soigner les vivants, entretenir des relations avec ceux qui vivent (et ont vécu)… portent en eux-même le sentiment d’exister.
Fulminons plutôt ensemble ! Faisons de nos colères canalisées ensemble un espoir de renouvellement.
Comment habiter la Terre qui nous héberge provisoirement ?
Ici, maintenant, aussi spontanément que nous sommes amenés à pleurer à l’idée d’un futur fossoyé, rions de bon coeur, rêvons sérieusement, et apprenons à lire notre système émotionnel…