Décrypter l’intelligence vivante de l’émotion

« Je me souviens… » de Boris Cyrulnik

par Anne-Béatrice Leygues

« Je me souviens »

de Boris Cyrulnik

Fiche de lecture de Anne-Béatrice Leygues

Promo 3

Boris, en décidant de revenir à Bordeaux, ville de son enfance, fait un retour sur lui-même pour comprendre comment la mémoire s’organise pour rendre le passé accessible.

Il observe que ce sont ses capacités de rébellion, de non soumission et de pitre qui l’ont toujours sauvé.  C’est à dire des stratégies de survie que nous possédons dans notre mémoire ancestrale.

Il nous livre ainsi sa réflexion sur la mémoire, les stratégies d’adaptation, le retour traumatique du souvenir et le travail énorme qui se réalise en nous dans les situations que la vie nous donne à éprouver.

Paradoxe qui fait douter de ce que nous voyons :

À 5 ans Boris voit les troupes défiler comme un jour de fête, pendant que toute sa famille pleure…

La mémoire traumatique transforme, amplifie et/ou minimise.

S’il y a traumatisme, c’est que le réel est invraisemblable.

Au plus profond de nous les traces sont précises mais ensuite pour rendre cohérent le souvenir, nous en arrangeons le pourtour, la forme…

«Des morceaux de vérités claires dans un ensemble flou, incertain.»

À 7 ans, Boris avait conscience d’être condamné à mort mais sans savoir pourquoi : pour quelque chose qu’il ne connaissait pas : il était né juif.

P 28 : L’injustice ce sont  les contresens affectifs.

–     Quelqu’un que j’aime agresse ma mère

–     Le regard de cette dame généreuse qui m’a fait prendre conscience de ma saleté m’a blessé

De cette époque où j’étais dans une stratégie de survie je n’ai aucun souvenir d’émotion … je n’ai que des images et des mots sans émoi…

Il a beaucoup de mal à rappeler le passé car cela implique de faire revenir «l’émotion enfouie »

« Je fais alors comme une enquête archéologique en parlant de moi à la 3ème personne ».

Lorsque nous apprenons à nous défendre, à survivre, nous continuons à le faire même quand il n’y a plus de raison, quand ça n’a plus de sens  « apparemment ».

La mémoire est faite de fragments et les autres participent à nos souvenirs:

Pour Boris les témoignages tardifs sont une source d’angoisse car ils font rejaillir une peur archaïque. Tant qu’il croyait que personne ne l’avait vu, il se sentait en sécurité. Dès lors qu’il réalise l’existence de témoins, il prend conscience qu’il aurait pu être dénoncé.

Nous vivons vraiment dans le regard des autres et nous en ignorons la puissance.

La mémoire, ce n’est pas le simple retour du souvenir, c’est une représentation du passé… Nous nous rappelons de morceaux de vérité que nous arrangeons comme une chimère. (Toutes les parties sont vraies mais la chimère n’existe pas).

Réfléchir par opposition à la confrontation du réel permet d’apprivoiser l’émotion.

P 46-47  : Pour nous protéger de la souffrance des souvenirs, nous préférons éviter de les  re-contacter.

Le déni est un mécanisme de défense qui permet d’éviter l’évocation de ce qui fait souffrir.

Boris, pour éviter de souffrir ne se retourne jamais, ni pleure, ni se plaint.

Son système d’équilibre consistait en une amputation de sa personnalité par légitime défense.

P 51 : Boris revoit le même rai de lumière et fait remonter une émotion de surprise de confirmation de la réalité de sa vie… toutes les vies sont folles…

À 6,5 ans, Boris est arrêté par des inspecteurs français. Il en conclut qu’il est vraiment une personne très importante : tant de personnes mobilisées rien que pour lui !

Il réalise combien cela lui a permis de se considérer comme une personne de valeur et …. en est resté mégalo -:)

Il trouve absurde les lunettes noires en pleine nuit : les adultes ne sont pas des gens très sérieux.

Les détails anodins qui permettent de se détourner de la logique des adultes : les lunettes noires, la glotte du monsieur qui monte et descend : ça c’est intéressant !

P 62 : A la synagogue : Boris est très gai, il repère les portes, fenêtres, il écoute les adultes pour comprendre la situation et trouver grâce à son tempérament la solution.

L’apprentissage d’un type de relation, une sorte de goût du monde que l’on acquiert très tôt dans la vie, une empreinte très précoce.

Avec l’insoumission cela permet le processus résilient

Rebelle signifie se déterminer par rapport à soi.

La réussite du processus résilient tient à la réussite de la solution trouvée : « T’inquiète pas  ça va aller,  il y a toujours une solution… la liberté est au bout de ton effort, ils ne m’auront pas il y a toujours une solution »

Le sentiment de victoire est une reconstruction après coup : avoir pu maîtriser une partie de la situation donne une grande confiance en soi.

La résilience se fait grâce à la transformation de l’émotion.

D’un point de vue « LE »

Ce petit livre retrace les chemins de vie, les processus émotionnels, autrement dit, en langage LE: les tetralèmes de Boris.

Ses perceptions, sensations, ses actions ou réactions pour nourrir son besoin de sécurité.

Il démontre par son récit comment les perceptions peuvent être vraies et pas vraies et les sensations vraies.

Il rend hommage aux stratégies qui l’ont sauvé, à la transformation de l’émotion dans la mémoire pour réaliser le processus de résilience. 

« Les nourritures affectives » de Boris Cyrulnik

Fiche de lecture présentée par Sylvie Even (juin 2016) – PPLE 9

Boris Cyrulnik

Les nourritures affectives

Edition Odile Jacob poches
Paru en 1993
Biographie

1937 : Né à Bordeaux dans une famille d’immigrés juifs (son père, ébéniste, était russo-ukrainien et sa mère polonaise) arrivée en France dans les années 1930
1942 : Mis en pension pour lui éviter d’être arrêté par les nazis puis placé à l’Assistance publique où il est recueilli par une institutrice qui le cache
1944 : victime d’une rafle, il échappe à la déportation grâce à une infirmière. Pris en charge et caché par un réseau , placé comme garçon de ferme jusqu’à la Libération.
Ses parents meurent en déportation. Il est recueilli par une tante maternelle qui l’élève.
Cette expérience personnelle traumatisante l’a poussé à devenir psychiatre.
Dans les années 1960 : il fait ses études supérieures à la faculté de médecine de Paris   
1967-1969 : interne du service de neurochirurgie à Paris puis interne du service de psychiatrie  de l’hôpital de Digne
Jusqu’en 1979 il occupe le poste de médecin chef dans un service de post cure psychiatrique
1979 – 1991 : il s’installe comme psychanalyste à mi-temps tout en donnant des consultations au centre hospitalier intercommunal de Toulon où il créé un groupe de recherches en éthologie clinique
1995 – 1996 il devient directeur d’enseignement d’un DU de la faculté des lettres et sciences humaines de Toulon

Préambule

Son approche
Briser les dogmes
Réfléchir de manière intégrative
Se méfier des certitudes
Seulement 3 catégories de personnes qui ont des certitudes
= > les enfants ; ils ont tout à découvrir
= > les ignorants ; moins on a de connaissances, plus on a de certitudes
= > les fanatiques ; 1 certitude, la voix du chef

L’état d’esprit qui gouverne son discours
La perception du « JE »
= > JE suis sujet de mes émotions, de mon action, de mes pensées, de ma parole tel que je suis dans le réel
= > Je me fais une représentation de MOI ; c’est l’image que je me fais de moi
« JE » est non conscient, actionné par mon système nerveux
« MOI » est la représentation hyper consciente que je me fais de moi
Il existe une synchronisation entre ce que je sors de moi et de ce que je me représente de moi

L’affectivité telle que nous la présente Boris Cyrulnik
L’Affectivité comme tissu de l’existence où se mêlent le « JE » de l’action et le « MOI » des représentations conjugués au « NOUS » de l’altérité à travers 6 idées.
Celle de la rencontre amoureuse qui, nous dit-il, ne doit pas grand-chose au hasard.
Elle est plutôt la résultante d’interprétation de signaux où chacun va se projeter ou non en fonction de son histoire.
Il dit « Tout organisme établit avec son milieu des échanges constants, ce qui implique que son cerveau et ses organes sensoriels soient organisés de manière à percevoir dans le milieu extérieur des signaux utiles à notre milieu intérieur »
Ces signaux sont perçus par nos sens
La vue
« N’ayant pas la même histoire, nous n’avons pas les mêmes yeux, nous ne pouvons donc pas rencontrer les mêmes objets ! »
Lorsque nous croisons quelqu’un, cette personne n’est pas forcément un objet signifiant ; la valeur émotionnelle portée varie en fonction de notre histoire.
L’odorat
« L’odeur fonctionne comme une information souvent non consciente qui, d’emblée, présentifie l’absent avec l’émotion qui lui était associée ». (la Madeleine de Proust)

Chez l’animal c’est différent…
Exemple : Lorsque je reçois une personne chez moi, mon chien va conserver l’odeur de cette personne même quand cette dernière sera partie comme si elle était toujours présente alors que moi, être humain, je n’en aurai plus que le souvenir par l’émotion, parfois inconsciente, que je lui aurai attribuée.
La voix
Elle aussi contient bon nombre de signaux.
Lorsque nous parlons à quelqu’un au téléphone, nous pouvons deviner le sexe, l’âge, l’humeur, la culture, le niveau social de notre interlocuteur.
« … sitôt perçu, le signal renvoie une autre information non perçue et représentée ».
« Ce qui va faciliter la rencontre, c’est une émission sensorielle que l’organisme est apte à saisir, par contiguïté et similarité des deux équipements neuro-sensoriels. »
Au-delà des sens, il y a aussi l’apparence physique qui rentre en compte.
Le port de la barbe ou de la moustache en fonction de l’époque et de la culture a parfois une tout autre signification.
Exemple : la moustache en brosse des dictateurs les plus connus d’Amérique latine.
Les vêtements délivrent également des éléments sur sa position sociale.
« Tout vêtement serait ainsi un discours non verbal où les signes textiles remplaceraient les signes sonores de la parole ou ceux dessinés de l’écriture ».
Ces signaux que capte le regard vont également se transformer en signes.
Pour qu’il y ait rencontre il faut avoir été séparé (je reviendrai sur ce point un peu plus loin) et que chacun manifeste par ses signaux la même sensibilité.
« Ce qui s’exprime dans la rencontre amoureuse, c’est un discours émotionnel ».
Exemple : une femme attirée par « les chiens battus »
Pour qu’un rapprochement ait lieu, qu’il y ait synchronisation des émotions il faut se mettre en scène en respectant des codes ; la distance entre les corps, la posture, la gestuelle, la façon de parler…
Les animaux pour gérer l’émotion de la rencontre ont mis au point un rituel.
Rituel animal ex du chien qui va renifler le sexe de l’objet convoité et simulé un chevauchement, qui permet la synchronisation des émotions et le positionnement social.
Le rituel chez l’homme commence par un geste de salutation qui varie selon les cultures
= > Il y a création d’un espace émotif entre les locuteurs
Le regard, qui est la vue sensorielle la plus émouvante, constitue une alerte émotive qui va délivrer un message d’invite ou d’agression.
= > la réaction va dépendre du contexte et de l’histoire des personnes qui se regardent.
« Avant de se toucher, toutes les sensorialités ont créé le sentiment de la proximité.  Mais pour provoquer ainsi un moment de forte émotion, il a fallu déclencher les facteurs qui gouvernent les circuits du toucher : le sexe, l’âge, le statut social et l’histoire antérieure qui constituent les plus puissants organisateurs du toucher ».
La sensorialité de la rencontre est codée. Tous les sens ont un sens
« Tout est codé. Bien avant les sons qui permettent la parole, nos autres sens participent à la mise en signes du monde perçu. Un univers sans rencontre, un univers privé d’autres me laisserait seul, avec moi-même pour toute rencontre, toujours le même, sans surprise, sans émotion, jusqu’à la routine, l’engourdissement et la non-vie avant la mort.
La rencontre créé un champ sensoriel qui me décentre et m’invite à exister, à sortir de moi-même pour vivre avant la mort. C’est pourquoi il y a toujours quelque chose de sensuel dans la rencontre qui m’excite et qui m’effraie, comme la vie ».
« Mais dès que je sors de moi pour aller à la rencontre d’une femme, la sexualité pointe son nez, elle donne la vie et tout est à reprendre ».

Ce qui nous amène à la 2éme idée qu’il nous expose…
Produit de cette rencontre, la communication du fœtus avec sa mère.
Il souligne l’importance de l’interaction mère – enfant.
Le contexte dans lequel est né le désir d’enfant va influer sur l’enfant à naître ; mais aussi les projections que vont faire les parents à partir de leur propre histoire ; la vie de la mère pendant la grossesse, si le père est présent ou non ; le contexte familial, social…

Au cours de la grossesse, les odeurs que respirent la mère, qui parfument le liquide amniotique, influent sur le rythme cardiaque du fœtus ou le fait changer de posture. Il en garde des traces inconscientes et c’est pourquoi à la naissance il se rassure dans l’odeur de sa mère et devient vigilant dans une autre odeur.
La résonance des fréquences graves des paroles de la mère agit comme un toucher sur le fœtus, le stimule et l’encourage à explorer avec ses mains et sa bouche.
« Quand la mère parle, le bébé la goûte ».
La peau du fœtus reçoit les vibrations émises aux moindres changements de posture, de crispations de la mère comme des messages auxquels il se synchronise en changeant de position.
Au 9ème mois, c’est lui qui prend l’initiative de ses comportements.
Il s’agite quand elle se détend.
L’activité de la mère rythme la journée du petit ; cette rythmicité constitue pour lui un objet sensoriel qui structure sa perception du temps.
B. Cyrulnik parle d’autisme fœtal si les interactions mère-enfant ne permettent pas au temps de devenir un objet sensoriel, les sens n’auraient pas le temps de prendre sens.
La mère créé une écologie affective très différente selon qu’elle est hyperactive ou alanguie, stressée ou sécurisée.
Expérience des rattes enceintes – Jacques Cosnier – Professeur émérite fac de Lyon
Taper sur la cage
Offrande de nourriture
= > le moindre bruit faisaient sursauter les petits nés de la mère dont la cage avait été tapée un coup de sifflet, objet de stress, les menaient jusqu’à la convulsion alors que les autres petits nés de la mère à l’offrande mettaient beaucoup plus de temps à réagir
Si la mère n’est pas sécurisée, le moindre bruit devient un stress pour le bébé.
C’est le malheur de la mère qui transmet le stress à l’enfant (absence de père, guerre, précarité).
Lorsque le bébé naît il est déjà personnalisé par son profil comportemental, son émotivité et ses premières représentations mentales.
Il arrive dans un monde déjà structuré par un mythe dans lequel il va se construire.
L’enfant s’imprègne de la culture qui le façonne. La culture est introduite dans la façon dont on l’accueille.
Il est façonné par la représentation qu’on a de lui, notamment en fonction du sexe auquel il appartient.

La 3ème idée qu’il développe concerne l’appartenance de l’enfant
« Un nouveau-né qui n’appartient pas est condamné à mourir ou à du mal à se développer. Mais un enfant qui appartient est condamné à se laisser façonner par ceux à qui il appartient. Le plaisir de devenir soi-même, de savoir qui on est, d’où on vient, comment on aime vivre, passe par le lien qu’on tisse avec les autres. »

Tout d’abord… quelle est la part de l’inné et de l’acquis ?
Difficulté à séparer l’héréditaire de l’hérité même chez les animaux
Expérience : Les singes macaques répertoriés implantés sur une île
Une des mères a un jour lavé des patates douces et les a salées en les trempant dans l’eau de mer.
= > un nouveau rituel a été socialisé et est transmis à chaque génération
Parmi les humains, il y a de petits transporteurs de sérotonine (neurotransmetteurs) qui sont de ce fait des êtres hypersensibles ; tout les touche.
En milieu stable, c’est un facteur d’émotions et de sensibilité
Mais en milieu de précarité, c‘est un facteur de vulnérabilité ; ils auront plus de mal que les autres à faire face aux épreuves
Il y a des déterminants génétiques (sexe, couleur de peau) mais il n’existe pas de programme génétique
= > la biologie et le milieu s’intègrent
« L’appartenance a 2 pôles : la familiarité et la filiation.
La familiarité s’alimente de biologique, de mémoire et de sensorialité quotidienne alors que la filiation s’alimente de culture.»

Pour exister l’enfant a aussi besoin d’appartenir à un groupe à une culture.
« Le « JE » ne peut exister sans un « NOUS auquel il appartient. »
 « Quand on ne sait pas d’où l’on vient on ne peut pas savoir où l’on va ».
Que l’enfant appartienne à celui qui l’a engendré, à celle qui l’a porté où à une structure plus large selon les cultures, la connaissance de ses origines est ce qui va structurer son temps.
En l’absence d’appartenance, certains se tournent vers les sectes qui leur fournissent une raison de vivre.
Le monde pour être structurant a mis en place des rituels.
Si les rituels ne peuvent s’instaurer la violence apparaît.
C’est la 4ème idée

Le rituel constitue une structure homéostatique.
Mais pour qu’il y ait conscience de la violence il faut que les mondes se comprennent.
Ex : chat et la souris
La représentation de l’évènement est différente chez le chat, la souris et l’humain.
Les animaux ne sont pas violents tant que les processus biologiques et écologiques sont équilibrants
Ex : Goeland avance avec un poisson
= > rituel qui représente un geste filial
Si on fait tomber le poisson et que l’on modifie l’aspect de l’approchant
L’autre prend peur = > plus le repère du rituel
= > il fuit ou il devient violent
« L’animal peut modifier son comportement à partir d’informations sensorielles alors que l’Homme répond à ses propres représentations au nom d’un idéal ».
Ex : une lionne qui se dirige vers un point d’eau ne sera pas une menace pour le gnou à ses côtés car la priorité du moment pour la lionne est l’eau
Ex : dans un acte raciste lorsque la représentation de l’Autre évoque la haine, le bourreau n’a pas conscience de la violence car son seul but est d’agir selon son idéal.
= > il répond à ses propres représentations et non plus à ses perceptions
Mais si cette personne avait rencontré l’Autre dans un autre contexte, s’il l’avait connu, sans doute aurait-elle éprouvé une émotion à l’idée de lui faire du mal.
« Chez l’Homme la représentation d’un monde peut exister en dehors de toute perception alors que chez l’animal les deux processus restent associés ».
Pour que les rituels puissent s’exprimer, le milieu ne doit être ni trop pauvre ni trop riche
Trop pauvre, le manque de stimulations extérieures entraîne un appauvrissement du milieu ; le corps devient le seul objet du monde extérieur et conduit à un repli sur soi-même
Ex : les animaux d’un zoo ne peuvent pas respecter leurs rituels en raison d’un environnement restreint par rapport à leur milieu naturel
= > conduit à la frustration, génère du stress
Trop riche, l’hyperstimulation ne laisse pas le temps aux émotions de s’exprimer
Ex : une population de rats dans une cage ; ils se reproduisent mais quand le nombre devient trop important pour l’espace les rituels n’ont plus le temps de s’installer et ils régulent en s’entretuant
= > conduit à une désorganisation des rituels
Dans cette autre forme de violence qu’est l’inceste, plus particulièrement l’inceste mère-enfant, c’est la fusion qui s’établit entre la mère et l’enfant qui empêche l’enfant de se détacher de sa mère. (Développement de la 5ème idée)
L’enfant par la non-présence du père ou de tiers de référence représentant l’interdit n’a pas pu être suffisamment sécurisé pour aller chercher à l’extérieur des nourritures culturelle, sportive, intellectuelle ou affective. L’objet sexuel ne peut se différencier de l’objet affectif.
Il est impensable car le lien mère-enfant est d’abord biologique ; elle l’a porté. Une structure sensorielle les unit. Tandis que le lien père-enfant s’établit, selon la culture, comme une parenté proche.
Dans le cas d’un confinement affectif, comme une mère sans stimulation extérieure avec un enfant qui comble l’absence du père, l’enfant n’aura d’autres choix pour fuir l’inceste que de haïr sa mère.
L’homosexualité permet d’éviter l’inceste et la haine.
Boris Cyrulnik nous montre comment les émotions qui gouvernent notre vie nourrie par la nécessaire interaction avec notre milieu, laissent des traces non représentées. (dernière idée présentée)
Ce que nous racontons dans le présent des faits passés n’est que la représentation que nous nous en faisons au moment où nous parlons à partir des informations qui auront été retenues de notre histoire affective.
Ce récit peut par conséquent changer en fonction de la personne à qui nous nous adressons, du contexte, le moment où l’histoire est racontée.
« Les notes prises au jour le jour donnent forme à l’impression du moment que l’on vit, mais c’est la relation du moment où l’on parle qui donne forme à nos souvenirs. Voilà pourquoi le palimpseste s’oppose au récit et pourquoi «  les récits sont des impostures » qui témoignent moins du réel passé que de l’intimité du narrateur. »

Exemple : Ana Novac Auschwitz. Lui a donné la force de survivre décollait affiche pour y noter ce qu’elle vivait.
Lorsqu’elle a retrouvé les 700 pages de son journal => différent de ce qu’elle avait raconté jusqu’alors.
Nous refoulons ce qui est indicible pour pouvoir continuer à vivre mais lorsqu’un évènement survient (choc, maladie,…) les évènements douloureux du passé peuvent resurgir.
Si un traumatisme n’a pu être raconté par l’obligation de se taire, par des interdits, l’évènement est revécu dans le présent comme lorsqu’il est survenu.

La chimère (Autobiographie d’un épouvantail – 7 janvier 2009)

Tout est vrai et pourtant l’animal n’existe pas…

Ce phénomène est appelé palimpseste*.
*Palimpseste : Parchemin dont la première écriture, grattée ou lavée, a fait place à un nouveau texte.
« Les évènements passés vivent en exil dans notre mémoire. Ils reviendront un jour si le présent ne les chasse plus. »

Il est fréquent chez les âgés.
Boris Cyrulnik parle d’effet palimpseste pour définir les traces enfouies dans notre cerveau quand l’appauvrissement du contexte réveille la mémoire du passé.
On entend dire que les âgés retombent en enfance… mais ce n’est qu’une interprétation de ce qui est perçu
Ex : une dame âgée est admise à l’hôpital après une petite chute.
Mais arrivée à l’hôpital elle se croît chez elle, elle ne situe pas ses perceptions dans le contexte.
Ensuite elle reconnaît son fils en la personne du médecin. Son monde se déshumanise.
Elle ne communique plus ; elle ne sait plus vivre dans un monde interhumain.
Alors elle s’attache à des objets inanimés. Elle s’endort avec une poupée, range son sac inlassablement, lisse son drap.
Puis la vie devenant purement végétative, elle ne mange plus, respire de moins en moins bien et s’éteint.
L’enfant, avec sa peluche, substitut de sa mère absente, l’imprègne de sens et de signification alors que pour l’âgé la peluche n’est qu’une chose sans affect.
Mais l’appauvrissement du contexte peut être limité par le récit.
Le fait de raconter, même si le récit est adapté à l’environnement, est une action.
L’âgé doit adopté une posture pour capter l’attention et raconter son histoire va lui demander un travail de maîtrise de ses émotions dans sa relation à l’autre.
« Le récit offrirait aux âgés ce que la fuite dans l’action offre aux adultes ».

« Sous le signe du lien » de Boris Cyrulnik

Par Pierre MASSOT

« SOUS LE SIGNE DU LIEN »

de Boris Cyrulnik

Fiche de lecture de Pierre MASSOT

PROMO 3

Dans ce livre où l’on observe des goélands, des chimpanzés, des tiques, des canetons, des martins-pêcheurs, des chiens, des oies cendrées, des moustiques, des épinoches, des choucas, des chats, des hommes et des femmes, l’introduction donne le ton :

Les observations qui vont suivre dans ce livre sont fausses. Mais comme elles ont été faites par des observateurs qui savent à quel point l’observation est une création, elles restent « révisionnables » : ce qu’on a vu reste à revoir.

Ceux qui disent : « C’est évident, il n’y a qu’à voir » vivent dans un monde impressionniste. Ils croient observer le monde, alors qu’ils n’observent que l’impression que le monde leur fait.

Cela me semble un premier lien avec notre préoccupation sur les perceptions et les sensations.

L’ouvrage qui se définit comme une histoire naturelle de l’attachement commence par la vie intra-utérine.

Un chercheur ne possédait qu’un vieux disque dans l’environnement familial de sa femme enceinte : c’était Pierre et le loup. La séquence du basson est célèbre à cause de son intensité et de l’abondance des fréquences basses. Il se trouve qu’elles pénètrent très bien dans l’univers sonore de l’utérus.

Le bébé gambadait dans son univers utérin quand le chercheur passait Pierre et le loup. Après la naissance, il s’agitait, augmentait ses succions et tournait sa tête vers cette musique familière, alors que Bach ou Brassens le laissaient indifférent.

Des bébés japonais dont la vie intra-utérine s’est déroulée près de l’aéroport d’Osaka, s’apaisent très facilement dans un univers sonores d’avions, alors qu’ils deviennent insomniaques dans un univers silencieux.

Le bébé cesse d’être un produit biologique ou un bâton de vieillesse. Il devient une petite personne très soumise à nos fantasmes. Ce qui ne rend pas sa vie plus facile.

L’histoire se poursuit par la naissance du sens : toute information est inscrite dans le biologique, mais dès qu’elle est perçue, cette stimulation prend sens parce qu’elle est interprétée. L’histoire du percepteur donne du sens à cette perception.

Les nouveau-nés, sans aucune stimulation extérieure, sourient de tout leur visage, pendant leur sommeil paradoxal.

Nous avons observé ce qui se passe entre le bébé émetteur de ce premier sourire paradoxal et l’adulte maternant récepteur de cet indice comportemental.

En vingt ans de pratique, jamais nous n’avons entendu une mère dire en percevant ce sourire : « Tiens, le neuropeptide qui provoque le sommeil paradoxal vient de provoquer la première contraction des commissures labiales de Nathalie. » Jamais !

En revanche, lorsque les mères perçoivent le premier sourire du bébé, elles interprètent toujours ce premier sourire et disent : « Il me reconnaît déjà », ou bien, « Il sourit grâce à moi », etc. (Elles ne savent pas que c’est le neuropeptide qui a fait le coup).

Mais, ce disant, elles approchent leur corps du bébé souriant, elles l’appellent et créent autour du bébé une atmosphère d’intense sensorialité composée d’odeurs, de sonorités proches, de contacts et de chaleur.

L’interprétation qu’elles donnent du fait (le sourire biochimique) crée autour du bébé une sensorialité chaude.

La manière dont la mère interprète ce sourire vient de sa propre histoire et du sens qu’elle attribue à ce fait. La preuve c’est que chaque mère donne sa propre interprétation. Nous avons entendu : « Pauvre enfant … il sourit … il ne sait pas ce qui l’attend … Je n’aurais pas dû le mettre au monde ». 30 à 40 % des jeunes mères donnent cette interprétation anxieuse. Cette représentation enracine une attitude corporelle radicalement différente : ce disant, la jeune mère se raidit et regarde l’enfant avec angoisse. Ce faisant elle éloigne de son bébé les informations sensorielles émises par son corps. Cette interprétation dépressive, venue de l’inconscient maternel, crée autour du bébé un monde sensoriel froid.

Le sens que la mère a donné au sourire a modifié les sens qui médiatisent et tissent le lien de l’attachement. L’histoire naturelle du sourire, dès sa première production, a mélangé le sens et la vie, l’interprétation et la biologie.

Le livre poursuit la biologie de notre histoire, la mise au monde du père, la sexualisation, la naissance du couple, la naissance de l’attachement puis l’apparition du détachement.

De part en part, on y voit mise en évidence l’importance des représentations sur les comportements. On y voit aussi l’importance de la culture et de ses interactions jusque dans le biologique.

Par exemple, à propos de la sexualisation :

La culture, c’est-à-dire les enseignants, les voisins les médias et bien d’autres, participe au façonnement du comportement sexué. Les moniteurs de sport, hommes ou femmes, parlent en regardant beaucoup plus les garçons que les filles. D’une manière générale, les adultes s’adressent plus aux garçons en groupe … et aux filles dans l’intimité.

La communication sensorielle devient très différente selon le fantasme de l’adulte.

Un petit film projeté devant des étudiants montrait un bébé de neuf mois en pleurs. « Pourquoi ce garçon pleure-t-il ? » demandait l’observateur. Les étudiants répondaient : « Parce qu’il est en colère ! »

Un autre groupe, auquel on disait : « Pourquoi cette petite fille pleure-t-elle ? »  répondait : « Parce qu’elle a peur ». La même image avait provoqué une interprétation très différente selon la représentation du stéréotype sexuel, induite par la question.

Cette idée provoquait des réactions comportementales très différentes : les adultes disaient en s’adressant aux bébés-garçons : « Calme-toi un peu, mauvais caractère. Ah, ces garçons, ils veulent être servis tout de suite » alors qu’ils disaient aux bébés-filles : « Calme-toi ma cocotte, ce n’est rien, n’aie pas peur … »

Cette action fantasmatique pourrait expliquer pourquoi les bébés-garçons développent plus d’activités autocentrées et agressives que les bébés-filles : l’action fantasmatique des adultes ne les tranquillise pas !

La notion d’empreinte, longuement abordée, et qui me semble en ligne directe avec le fonctionnement reptilien, révèle une réflexion sur la peur qui nous intéresse :

Cette série d’observations fait apparaître l’idée que la peur et la perte dépendent du sujet, bien plus que de l’objet. Un « raisonnement à l’évidence » dirait que le sujet a peur parce que cet objet est effrayant, ou bien que le sujet souffre parce qu’il a perdu l’objet de son amour.

Un raisonnement éthologique dit au contraire : le sujet a peur parce qu’il a incorporé une catégorie d’objet à laquelle il s’est familiarisé et que l’objet présent lui est étranger.

Nous sommes donc autorisés à dire que les sentiments de peur, d’amour ou de perte résultent de modifications intérieures au sujet. Ce n’est plus l’objet qui fait peur au sujet, comme dans une réflexion issue du modèle mécanique où une cause produit un effet. C’est le sujet qui ressent de la peur pour cet objet qu’il catégorise parmi les objets étrangers parce que, des années auparavant, il a incorporé l’empreinte d’une autre catégorie d’objets auxquels il s’est familiarisé.

Le sujet devient créatif dans la peur, dans l’amour ou dans la perte et pas réactif comme on le croit habituellement : il est devenu craintif parce qu’un chien lui a fait peur … Il est devenu délinquant parce qu’il a manqué d’affection …

Mais cette modification endogène résulte d’une autre conception de la biologie : on ne peut plus penser la biologie en tant que métabolisme à l’intérieur d’un corps isolé du monde. Il s’agit maintenant de métabolismes où l’intérieur incorpore les pressions extérieures pour créer une aptitude.

Cela me semble en phase avec ce que Catherine et Sylvie écrivent dans leur livre :

On pense habituellement que c’est de l’inconnu dont on a peur. Cela est un contresens puisque la peur est fondée sur une mémoire d’un passé douloureux à éviter et sur la conscience d’un avenir qui nous mène à la mort. La peur au présent est donc l’expression de ce choc de savoirs qui nous demande de protéger notre structure. Ainsi donc, nous projetons inévitablement du connu dans un environnement et un avenir à risque.

L’idée débouche aisément sur la notion de croyance, abordée par Cyrulnik :

Les croyances qui aujourd’hui organisent le plus intensément nos destins peuvent se classer en croyances internes et croyances externes.

Les hommes qui croient que leur destin est gouverné par des forces extérieures se retrouvent en bas de l’échelle sociale où ils occupent des postes soumis à l’opinion d’autres hommes. Alors que ceux qui croient en un déterminisme interne, un choix intime de leurs projets d’existence se retrouvent dans des postes à responsabilité, dans des histoires de vie plus libres, moins soumises aux contraintes sociales.

Face aux cris d’un bébé, les mères à « croyance externe » manifestaient un long temps de latence avant de toucher le bébé (caresser, tapoter, prendre aux bras, donner le biberon, etc.). Ce faisant, elles produisaient très peu de paroles à l’adresse du bébé.

Alors que la population de mères à « croyance interne » (celles qui croyaient au déterminisme intime de leur destin) répondaient beaucoup plus vite aux cris du bébé, le touchaient beaucoup plus et surtout produisaient beaucoup plus de paroles.

Notre manière de penser modèle notre manière d’agir et modifie le monde perceptuel du bébé : un bébé qui vit dans un milieu où l’on croit aux déterminismes externes se développe dans un environnement sensoriel froid, à faible rescousse comportementale, à faibles interactions parolières.

Alors qu’un bébé né dans un milieu où l’on croit à un déterminisme interne, où l’on pense que les décisions peuvent gouverner nos vies, où l’on croit à la liberté, se développe dans un monde sensoriel chaud, où la proximité des contacts, des stimulations auditives, olfactives et tactiles va épanouir ses comportements et ses métabolismes.

Voilà peut-être de quoi nous faire réfléchir sur les sources de notre difficile équilibre sécurité/liberté, appartenance/différence et désir-harmonie/initiative-solitaire.

La notion d’empreinte livre aussi une lecture du syndrome de Stockholm (schéma paradoxal de comportement lors d’une prise d’otages) :

La sensation de l’imminence de la mort provoque une sidération émotive totale. Mais en quelques secondes, s’organise une phase stable où l’otage découvre son dominant tout-puissant. Commence alors l’interaction des deux personnalités. Il ne faut pas que le ravisseur soit brutal ou incohérent ; il lui suffit d’être décidé et rassurant. Il doit donner le code de survie : « Si vous faites ça, il ne vous arrivera rien ». Le dominé, dont la conscience est entièrement captivée par cette présence, ressent alors une impression forte et rassurante.

L’hyper-vigilance attentive du dominé crée les conditions les meilleures pour la réceptivité d’un évènement. Le dominant prend la fonction tranquillisante et impressionnante qui caractérise l’objet d’empreinte.

… Cette série de données me permet d’illustrer une idée : une émotion intense peut créer un moment de grande réceptivité à un objet d’empreinte. Le récepteur et le marqueur peuvent se rencontrer et tisser ensemble un lien affectif.

Les amoureux, lors de leur coup de foudre, les mystiques lors de leur révélation, et les foules, lors de leurs cérémonies extatiques, ne nous disent pas autre chose.

En de nombreux passages de son livre, Cyrulnik rappelle à quel point l’observation n’est pas une perception neutre, qu’il s’agit d’un acte de création qui parle beaucoup plus de l’inconscient de l’observateur que du sujet observé.

Une illustration frappante en est fournie avec le cas d’un jeune homme de seize ans, qui apparut  en 1828 au 4ème escadron du régiment de chevau-légers de Nuremberg, dont la posture était tellement maladroite qu’il ne savait pas marcher et qui ne savait pas non plus parler :

Le capitaine auprès duquel on le conduisit d’abord fut le premier observateur, militaire donc. Il écrit : « On simula des passes d’armes et des estocades à l’aide d’un sabre nu pour contrôler ses réactions. Il resta impassible. On déchargea vers lui un pistolet ou quelques autres armes à feu. Il ne sembla pas non plus soupçonner le moins du monde qu’on puisse lui vouloir le moindre tort ».

Plus tard, le docteur Osterhausen rédigea un rapport dans le langage médical de son époque, caractérisé par l’impérialisme anatomique : « … le tendon de la rotule est divisé et les deux tendons des muscles vastes, interne et externe, longent séparément la jambe de part et d’autre du tibia pour s’attacher … »

Alors le professeur Daumer, connu pour sa bienveillance et son « cœur humain » fut appelé à la rescousse. On le chargea de l’instruction de l’infortuné jeune homme. Le professeur dressa une riche table, avec des viandes et beaucoup de bière, puis força le jeune homme à tout avaler. Ce dernier s’endormit aussitôt, repu et saoulé. Le bon professeur nota alors «  … sur cette brute animale, un bien curieux effet de la viande ».

 L’une des conclusions de l’ouvrage ne dit pas autre chose :

Il y a longtemps que je n’avais pas fait rire avec le mot psychologie. J’ai remarqué que dans certains milieux, ce mot possède une grande vertu hilarante. Je l’ai donc prononcé dans un service de néo-natalogie avec le succès habituel, mais non espéré.

Certains ont ri, et m’ont expliqué qu’un prématuré de six mois était plus proche du biologique que du psychologique. Il était sous-thalamique, autant dire sans cerveau, sans mémoire, sans parole. Un produit biologique, on vous dit.

Alors j’ai compris pourquoi dans certains hôpitaux les nouveau-nés sont enveloppés dans une feuille d’aluminium, comme le jambon de ma charcutière. On n’enveloppe pas une personne dans une feuille d’argent, on l’habille avec les vêtements de sa culture. C’est évident.

Jusqu’au jour où nous avons enregistré les cris des prématurés et les avons portés à l’analyseur de fréquence du laboratoire. L’ordinateur nous a rendu une feuille de papier argenté (elle aussi) sur laquelle il avait transformé le cri en image montagneuse : les basses fréquences à gauche, les hautes fréquences à droite.

En établissant une corrélation entre la structure des cris et les variations de l’environnement nous avons rendu observable l’évènement suivant : toute variation de l’environnement augmente la composante aiguë des cris. Il suffit de changer le tissu de la tête de lit ou de faire approcher un médecin réanimateur pour que l’ordinateur transforme le cri du bébé en un dessin plein de pics aigus.

Les prématurés réagissent vivement à toute variation de l’environnement. Ce qui implique qu’ils y sont très sensibles et qu’ils possèdent une mémoire à court terme qui leur permet de reconnaître celui qui régulièrement leur pique une aiguille dans l’artère fémorale.

L’évidence n’est pas évidente ! Nous avons des yeux pour voir ce que nous pensons.

L’évidence est une perception sélective, organisée comme une représentation.

D’où la nécessité du travail d’observation pour déjouer le piège que nous construisons pour nous y enfermer.

A la fin de son ouvrage, Cyrulnik se demande pourquoi conclure. Ce pourrait être au moyen d’une phrase définitive qui permettrait de clore dix années de recherches. Il faudrait trouver l’interrogation merveilleuse qui permettrait de souligner l’importance de l’attachement, et sa fragilité.

Cyrulnik bute pour conclure parce que les conclusions ne sont jamais concluantes, jamais closes. C’est pourquoi il termine en disant :

Je pense qu’avant de lire ce livre, vous aviez les idées claires. J’espère maintenant qu’elles sont confuses, car il faut douter, croyez-moi !

Catherine et Sylvie n’écrivent-elles pas :

Face à l’évènement, nous filtrons surtout les informations auxquelles nous savons pouvoir répondre et évitons les autres. Il y a échange d’informations entre nos perceptions et sensations internes, suivi d’un choix automatique à ne traiter que les informations garantes d’adaptations possibles, car mémorisées, mais aussi évitement des informations intraitables car ne correspondant pas à des repères connus.

Que cela nous aide à prendre de la distance vis-à-vis de nos certitudes !

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