Décrypter l’intelligence vivante de l’émotion

Auteur/autrice : Jocelyne Pringard

Drôles de vacances ! Drôle de rentrée !

Bon, si je voulais vérifier que, quoiqu’il se passe dans l’environnement, nous sommes mus et émus par un incontournable désir d’existence, ces vacances et cette rentrée en furent l’occasion !


Drôles de vacances ! Partir ? Pas partir ? Je vais préparer les masques, le gel hydroalcoolique, éviter les plages, et donc aller en Montagne, le grand air, j’y serai tranquille et en sécurité, c’est calme la montagne l’été ! Mais cette année, c’est l’affluence record : nous sommes nombreux à avoir eu la même idée. Tiens, cela me rappelle ce que nous dit René Girard du désir : « Nos désirs ne deviennent vraiment convaincants que quand ils sont reflétés par ceux des autres. »


Une amie me prévient : tous masqués dans le village depuis hier, et il y a plein de monde. Effectivement, la rue principale est bondée, des gens me frôlent et je me surprends à penser « il ne peut pas garder ses distances celui-là ? ». Mon désir de Sécurité, versus sûreté, se manifeste de cette façon au détriment apparemment de mon désir d’avoir du lien social. Et puis je m’habituerai au fil des jours…. L’habitude, même limitante, répond aussi à une force de vie ! Ne dit-on pas la force de l’habitude ?


Tiraillée entre mon désir de sûreté et de lien (me référer aux habitudes qui me rassurent, vivre en tribu) et mon désir de liberté (profiter de l’été, vagabonder, découvrir des gens et des lieux nouveaux), je suis inquiète, puis euphorique, puis inquiète selon les informations que j’écoute et les pensées qui m’assaillent. Et donc toute tourneboulée, comme une girouette prise dans le vent fort de la médiatisation du COVID, ou comme un lapin prit dans des phares d’une voiture, tétanisée derrière mon masque.


Selon une lecture psychique de la situation, j’aurais trois possibilités pour répondre à ce trouble et recouvrer la paix. :

  • Fuir ! Mais où ? Le virus se balade sur toute la planète et les informations d’ailleurs ressemblent aux nôtres. 
  • Combattre ! Mais quoi, et qui ? Les donneurs d’informations ? Le virus ?
  • Me replier ! Mais comment ? Rester chez moi, est-ce que c’est possible sans déprimer ? Est-ce que ce n’est pas mourir à petit feu pour nous, occidentaux, si habitués à une vie trépidante ?

Autre piste : méditer ! J’ai remarqué que je me calmais parfois en pratiquant, mais m’énervais d’autres fois ! Il s’agit de me poser sur une chaise pour tenter la tranquillité, de fermer les yeux, d’écouter les sons, de prendre appui sur ma posture, de porter attention à mon souffle, de laisser mes pensées venir et s’en aller sans m’y attacher. Et pourtant je sais, grâce aux philosophes, que mes pensées ne sont pas moi, que tout est impermanent et en permanente transformation ! Mais certains jours, quand je rencontre mon trouble, mon affolement, ma peine, je n’ai plus qu’une idée en tête, arrêter ! Arrêter cette pratique ! Et vite aller marcher, partir en randonnée ou rejoindre des amis pour un apéro ! Toujours mon désir de sécurité, mais cette fois versus liberté. Le savoir philosophique est alors bien loin ! Me voilà pressée d’échapper au malaise éprouvé…


Bon, face à ce chaos tiraillement intérieur entre deux polarités, que me dit la Logique Emotionnelle ? 
Le rapport au réel est la grande affaire de chacun !

Dans « Le réel et son double » Clément Rosset écrit : Quoi qu’on fasse, quoi qu’on pense, quoi qu’on interprète, il n’y a qu’un réel, et il finit toujours par s’imposer. Et en général, cela fait choc, et donc, parfois, ce rapport fait mal ». Les neuroscientifiques valident.


L’émotion dans son processus somatique puis psychique, nous donne justement à voir ce rapport : comment mon corps, autrement dit ma réalité biologique, rencontre-t-il, via mes perceptions et mes sensations, ce réel ? Comment s’adapte-t-il dans l’instant de la rencontre pour que soit satisfait le besoin d’exister ? Ensuite comment mes comportements cherchent à garantir dans le temps cette satisfaction ? Comment ce sens automatique d’adaptation s’installe-t-il en habitudes d’action, de pensées et d’interprétations ?


Mieux connaitre mon fonctionnement, étudier les neurosciences et la Logique Émotionnelle m’aident à mieux comprendre et donc à agir plus en accord avec ma nature d’être humain, mon désir, mes besoins.

 
Par exemple, le jour où j’ai compris que mon cerveau était fait pour agir et non uniquement pour réfléchir, j’ai fait un grand pas sur le chemin d’un certain équilibre et d’une certaine sérénité. Effectivement, l’action me fait du bien, que cela soit marcher, jardiner, danser. Pour Nietzsche « les seules pensées valables viennent en marchant ! »


Plus largement, cette période met en évidence jusqu’où, au nom de son désir d’être toujours en sécurité, l’être humain s’adapte, voire, s’hyper-adapte ! Il est capable d’une vraie compassion et d’une profonde bienveillance, mais ses mécanismes défensifs, sous la forme de déni, de violence ou de renfermement ne sont jamais loin. C’est cela aussi que nous donne à voir la Logique Emotionnelle. Nous sommes sur une ligne de crête, et comme des funambules en haut de la montagne, nous ignorons comment se passera la descente. Oui, vraiment, drôle de rentrée !

Jocelyne Pringard

« Thérapie Existentielle » d’Irvin Yalom

par Jocelyne Pringard

Sous-titré  » Apprendre à vivre » et  dédié à sa femme Marylin, ce livre, humaniste et concret dit qu’un conflit peut survenir lors de la confrontation de l’individu aux fondamentaux de l’existence.  La psychothérapie existentielle traite de ce sujet  à travers les 4 enjeux ultimes qui sont pour Yalom :

  • La mort (environ 250 pages). La peur de la mort  joue un rôle majeur dans notre construction interne
  • La liberté (185 pages) : la liberté de créer sa propre vie, être conscient de la responsabilité de créer son destin, désirer changer, le décider et agir.
  • L’isolement (90 pages) Nous sommes jetés dans le monde, nous sommes seuls. Nous devons apprendre à être en lien. L’amour compense la souffrance de l’isolement.  
  • L’absence de sens (90 pages) : Quel est le sens de la vie ? Quel est le sens de ma vie ? Comment un être humain qui, par nature, a besoin de sens trouve-t-il du sens dans un univers qui en est dépourvu ? L’engagement peut nous aider à trouver du sens.

Irvin Yalom introduit ce livre par une comparaison culinaire. Ce qui fait la différence entre une thérapie et une autre ce sont les épices, le petit truc en plus qui fait que c’est réussi ou pas sans que l’on puisse déterminer pourquoi.


De grands écrivains et philosophes accompagnent ce parcours : Kierkegaard, Sartre, Dostoïevski,  Tolstoï,  Kafka,  et Camus qu’il qualifie de « grand penseur existentialiste ».
 L’arbre généalogique de la thérapie existentielle ce sont les  grands écrivains qui explorent et clarifient les enjeux existentiels
C’est un livre dense de 670 pages, plus 55 pages de sources bibliographiques : Montaigne, Spinoza, Fromm, etc…


On peut dans un premier temps ne lire que l’introduction ( 22 pages), puis  s’aventurer à son rythme dans  les chapitres. Yalom ne se prend pas au sérieux : il critique l’hermétisme de certains philosophes, il est aussi très critique sur Freud.



Un des postulats fondamentaux est que « l’unique vérité » c’est  : « l’ici et maintenant ». Toute ressemblance avec la Logique Emotionnelle (L.E.)  n’est pas fortuite. Nous sommes en famille. C’est un livre qui s’adresse aux cliniciens.


Partie 1 : la mort 

  • La peur de la mort joue un rôle majeur dans notre expérience interne ; « la mort nous hante et gronde sur la surface,  présence sombre et troublante sur les rives de la conscience « 
  • L’enfant, à  un âge précoce, nourrit de profondes réflexions sur la mort. Un des enjeux du développement consiste à surmonter des angoisses effroyables de destruction.

Pour contenir ces angoisses, nous érigeons des défenses contre la conscience de la mort, fondées sur le déni, qui modèlent la structure de notre personnalité et lorsqu’elles sont inadaptées, se traduisent par des syndromes cliniques .


« Si la réalité physique de la mort détruit l’homme, l’idée de la mort le sauve. »


 Car l’idée de la mort nous enjoint à adopter un mode de vie plus authentique,  tout en accroissant notre joie de vivre.


Heidegger, en  1926 eut l’intuition cruciale que la conscience de notre mort agissait comme un aiguillon nous permettant de passer à un mode d’existence supérieur.


Des œuvres majeures de la littérature dépeignent les effets positifs sur un individu de la confrontation à la mort, dont deux livres  de Tolstoï : « Guerre et paix » et  « La mort d’Ivan Illitch ».


Les néo-freudiens (Erich Fromm) considèrent que l’enfant n’est ni gouverné par ses pulsions, ni préprogrammé : c’est une personne qui a  des dispositions innées mais qui est aussi  entièrement modelée par son environnement culturel et social. La sécurité constitue le besoin fondamental de l’enfant.


L’enfant peut rencontrer un conflit entre son besoin de sécurité, son besoin de reconnaissance et sa croissance personnelle : dans ce cas, la croissance est toujours sacrifiée au profit de la sécurité.


A l’équation de Freud : Pulsion  →     angoisse     →   mécanisme de défense


Se substitue l’équation : Conscience des enjeux ultimes  →    angoisse   →   mécanisme de défense


Pour Yalom, l’angoisse veut devenir une peur. Nous passons de l’angoisse du rien, traumatisante à une peur de quelque chose pour laquelle nous pouvons mettre en place des mécanismes de protection.


Il raconte  son expérience lors d’un accident de voiture  Il allait à un congrès, il a eu un accident. Le congrès s’est ensuite bien passé. Mais dans les mois qui ont suivi, il s’est mis à ne plus vouloir aller diner avec ses collègues alors que jusqu’à présent, c’était une joie pour lui. Il éprouvait une angoisse considérable.  Aurait-il des choses intéressantes à dire, allait-il se ridiculiser ? Il a cherché à quel moment cette angoisse avait commencé. Il en a déduit qu’il avait géré l’intense angoisse de mort qui l’avait saisi lors de l’accident en la déplaçant à une situation plus commode. Son angoisse de mort originelle avait été transformée en enjeux mineurs comme l’estime de soi, la peur du rejet ou l’humiliation. Une fois qu’il a eu compris, l’angoisse n’a pas complètement disparu. Il a dépassé sa peur des déjeuners, mais il éprouvait des peurs nouvelles comme conduire, ou faire du vélo. Des mois plus tard, il se montra très timoré pour faire du ski. Outre ces peurs, il eut un autre changement : le monde entier lui paraissait précaire.  Il expérimenta ce qu’Heidegger qualifiait d’étrangeté, cette expérience de ne pas être chez soi dans le monde et qu’il considérait comme l’une des conséquences typiques de la conscience de la mort.


Afin de perdre de sa toxicité, l’angoisse originelle se voit toujours transformée par le biais de nos mécanismes de défense psychique dont c’est la fonction.


L’angoisse s’intensifie souvent lorsque la peur de quelque chose est appréhendée pour ce qu’elle est véritablement, à savoir la peur du néant.


L’ approche psychothérapeutique  inclut très rarement le concept de mort. Quand quelqu’un a peur de la mort, on trouve des explications. Or la personne a peut-être tout simplement peur de la mort.
Une vingtaine de pages sont consacrés à Freud et son évitement de la mort.


Pour quelles raisons
, Freud exclut-il la mort de la théorie psycho-dynamique ? Yalom y consacre plusieurs pages démonstratives et critiques avant d’en donner deux raisons (assez sévères):
    1.    Un modèle théorique dépassé du comportement humain (dualisme pulsion)
    2.    Une quête effrénée de gloire personnelle
La personne qui a exercé le plus d’influence sur Freud est Ernst Brücke, son professeur de physiologie pendant ses études de médecine. Brücke exerçait une influence considérable sur l’école de biologie fondée par Hermann von Helmholtz. Le postulat : seules les forces physiques et chimiques à l’exclusion de toute  autre, agissent dans l’organisme. L’homme est donc une machine soumise à des forces.
Freud s’emploie à appliquer le modèle helmholtzien mécaniste de l’organisme à sa théorie du fonctionnement psychique. Comme il le reconnait à 70 ans :  « ma vie n’a eu qu’un seul but : inférer ou deviner la façon dont l’organisme psychique est construit et découvrir quelles forces jouent ou se contrarient en lui. »
Yalom dit que lorsque un homme prétend donner une théorie sur le comportement humain à  partir de son auto-analyse : cela vaut le coup d’étudier la vie de cet homme. Il ajoute qu’heureusement  on en sait probablement plus sur la personne de Freud que sur toute autre figure historique moderne à  l’exception possible de Woody Allen.
Pour Yalom, l’importance du concept de mort chez les enfants est sous estimé
.
Les enfants se préoccupent tôt de  la mort (qui constitue l’énigme suprême), à un âge généralement plus précoce qu’on ne le pense. L’une des taches majeures du développement consiste à  gérer les peurs relatives à la vulnérabilité et à l’anéantissement alors que les problématiques sexuelles sont secondaires et font office de dérivatif.
Les enfants passent par des stades successifs de perception de la mort et des modalités de gestion de cette peur.
Les stratégies des enfants se fondent systématiquement sur le déni. Il semble que nous ne grandissions pas ou peut être qu’il nous est impossible de grandir en acceptant les faits bruts de la vie et de la mort.
Mélanie Klein
 :  le très jeune enfant entretient une relation intime avec la mort, bien antérieure à sa connaissance du concept.
Elle accepte la seconde théorie freudienne de 1923, relative à la pulsion de mort consciente et universelle, mais affirme que pour survivre l’être humain doit également développer une peur opposée, la peur de perdre la vie. Pour Klein, la peur de la mort constitue la source d’angoisse originaire, les angoisses sexuelles et celles générées par le surmoi surviennent dans un deuxième temps et constituent des phénomènes de dérivation.
Dans la mythologie grecque, La mort Thanatos et le sommeil Hypnos sont frères jumeaux. Cette association n’est pas sans implication en matières de troubles du sommeil. De nombreux cliniciens ont émis l’hypothèse que la peur de la mort constitue un facteur important de l’isnomnie, chez les adultes comme chez les enfants.

Le déni
 : les deux principaux remparts contre la mort.
Le postulat est que bien, que le déni de la mort soit omniprésent et que les formes spécifiques du déni de la mort varient, il en existe deux modalités principales : la croyance en la particularité personnelle et celle en un sauveur ultime.
    •    « je suis quelqu’un de spécial ». La croyance, fortement enracinée de sa propre inviolabilité. Enfant comme adulte, nous nous accrochons à la croyance irrationnelle que les limitations, la vieillesse, la mort concernent peut-être les autres, mais pas nous, pas moi. A un niveau profond, chacun est persuadé de sa propre invulnérabilité. Les racines de cette croyance remonte à l’aube de notre vie, où nous sommes l’univers et où Il n’existe aucune limite entre soi et les autres êtres ou objets.

    •    « Le sauveur ultime ». Un sauveur qui veille sur nous . Cette croyance remonte aussi aux débuts de la vie où les parents veillent.
La mort est peu présente dans la psychologie dynamique
. Pour Yalom c’est du à un processus massif de refoulement qui découle de la tentative de l’humanité (à laquelle appartiennent les chercheurs et les théoriciens du comportement) de nier la mort, dans leur vie personnelle comme dans leur travail.
Le paradigme existentiel se fonde sur l’hypothèse que l’angoisse  émerge lorsqu’un sujet se confronte aux enjeux ultimes de l’existence. Par définition, la psychopathologie  constitue un modèle de défense inefficace.
Paul Tillich : « la névrose est le moyen d’éviter le non-être en évitant l’être »
Très rarement on voit l’angoisse de mort primaire. Par exemple, un individu peut se protéger de l’angoisse de mort inhérente à l’individuation en maintenant un lien symbiotique à la mère.
L’angoisse de mort n’est pas immédiatement perceptible pour le clinicien, mais se décèle par un travail sur les rêves, les fantasmes, les éventuels épisodes psychotiques ou encore l’analyse minutieuse du déclenchement des symptômes névrotiques.
La phobie initialement c’est une angoisse de mort. Ensuite on l’habille.
Yalom prend l’exemple de deux patients
 qui avaient un mécanisme de défense opposé, chaque cas éclaire la dynamique de l’autre.
Mike croyait intimement en sa particularité et en son inviolabilité. Sam avait foi en un sauveur ultime.
Mike possédait un sens hypertrophié de l’autosuffisance alors que Sam, seul, n’existait pas et cherchait à fusionner avec l’autre.
Radicalement opposées sans s’exclure pour autant mutuellement, ces deux modalités constituent une dialectique utile permettant au clinicien de comprendre une grande diversité de situations cliniques.
Ces deux croyances (particularité et sauveur ultime) peuvent se révéler hautement adaptatives. les deux peuvent être surinvesties jusqu’à ne plus remplir leur caractère adaptatif et à laisser passer l’angoisse. Le sujet est alors contraint à des mesures extrêmes pour se protéger et qui entrainent des manifestations psychopathologiques se traduisant par une rupture ou une surenchère de ces défenses.
Ces deux systèmes de défense se retrouvent dans toutes les structures de personnalité. Chacun possède un peu des deux.
Le sentiment de particularité (être « spécial ») est très bien décrit par Tolstoï dans les propos qu’il prête à Ivan Illitch.
Nous ne sommes qu’un parmi tant d’autres : l’univers ne nous reconnait pas de particularités. Les dés sont pipés, certaines dimensions immuables de l’existence sont au-delà de notre influence. En fait, ce que nous souhaitons « n’entre absolument pas en ligne de compte ».
La croyance en la particularité personnelle possède un caractère hautement adaptatif.
Yalom analyse d’autres réactions de défenses adaptatives

    •    L’héroïsme compulsif : style Hemingway
    •    Le bourreau du travail : Un des traits les plus frappants est la  croyance implicite « qu’il avance » et « qu’il progresse ». Le temps constitue un ennemi, il menace l’un des fondements de l’illusion de la particularité : la croyance dans le fait d’avancer éternellement. Le mode de vie du bourreau de travail est compulsif et dysfonctionnel. Le bourreau du travail s’applique, non parce qu’il le veut, mais parce qu’il le doit. Il n’est pas rare qu’il se pousse sans pitié et sans considération des limites humaines. Une lutte acharnée contre la montre peut traduire une angoisse de mort puissante.
Tolstoï dans « Anna Karénine » :  » Ce gouffre était pour lui la vie réelle et le pont l’existence artificielle qu’il avait seule connue jusqu’alors. »
Cette défense lorsqu’elle fonctionne, protège le sujet de la conscience de ce gouffre. Lorsque le pont est rompu, la défense échoue, nous exposant à une vérité et une terreur auxquelles une personne en milieu de vie, après des dizaines d’années d’aveuglement, est peu préparée à affronter.
    •    Le narcissisme
 : La structure de personnalité narcissique se remarque davantage en thérapie de groupe qu’en thérapie individuelle.  En thérapie individuelle, tout est donné au patient et peu de réciproque attendue.  En revanche en groupe, on attend qu’il éprouve de l’empathie pour les autres. Sans relâche, le thérapeute doit essayer de faire comprendre au narcissique que ses attentes ne sont légitimes que les premiers mois de la vie lorsque le nourrisson attend de la mère un amour inconditionnel sans réciprocité.
La particularité comme mode principal de transcendance de la mort se décline dans toute une palette de formes inadaptées dont la soif du pouvoir.
Le choix d’une profession impliquant de près ou de loin le contact avec la mort (Médecins, militaire, prêtre) serait en partie motivé par le besoins de contrôler l’angoisse de la mort.
Lorsque la terreur est particulièrement forte, la pulsion agressive n’est pas contenue par la sublimation pacifique et s’intensifie pour se traduire le plus fréquemment par de l’arrogance et de l’agressivité.
Rank écrit que la crainte de la mort du moi se trouve apaisée par le meurtre et le sacrifice de l’autre; par la mort de l’autre, on se rachète de la peine de mourir et d’être tué.
D’une manière générale, la défense du sauveur ultime se révèle moins efficace que la croyance en la particularité personnelle, d’une part parce qu’elle est susceptible de s’effondrer, d’autre part parce qu’elle plus limitante intrinsèquement pour la personne.
Yalom dit qu’il a vu chez bon nombre de ses patients la stratégie suivante : essayer d’esquiver la mort en refusant de vivre.
Il y aussi comme  stratégies adaptatives de déni : Conquérir le temps, le fixer de manière permanente en restant éternellement un ou une enfant.
Un des axiomes de la thérapie de groupe postule que les participants déploient dans l’ici et maintenant du groupe leurs défenses internes dans leurs interactions avec les autres. Une vie articulée autour de « l’autre dominant » se conçoit come une tentative de fusionner avec l’autre appréhendé comme source de protection et pourvoyeur de sens de la vie.
Cas concret d’une patiente : Comme de nombreux patients névrosés
, elle ne vivait pas réellement dans le passé, mais tentait de retrouver le passé (c’est-à-dire  la relation réconfortante à la mère) dans le futur.
Elle avait la terreur d’être seule
 : ce qui rendait terrifiante sa solitude était l’absence de cet autre magique et puissant au-dessus de nous, qui nous observe, anticipe nos besoins, offre à chacun de nous un bouclier contre notre destin, la mort.
La plupart des gens se défendent de l’angoisse de mort simultanément via la croyance illusoire en leur inviolabilité et une croyance en l’existence d’un sauveur ultime.
La personne avance dans la vie entre ses deux pôles de peur : la peur de vivre et la peur de mourir.
La tentative d’apaiser l’angoisse d’individuation
 par la fusion sexuelle se révèle courante.
La tâche visant à satisfaire deux besoins : séparation et autonomie d’une part et protection et fusion d’autre part et la confrontation aux angoisses correspondantes constitue une dialectique à laquelle nous sommes confrontés toute notre vie.
Un comportement devient « névrotique » lorsqu’il est extrême et rigide.
Le névrosé refuse l’emprunt de la vie pour échapper à la dette de la mort. Il se libère de la peur de la mort via une autodestruction quotidienne partielle.
Une personne « dépendante » tend à développer un transfert rapide et hautement positif envers le thérapeute et à se sentir mieux plus rapidement qu’un patient « indépendant ». Un patient « dépendant » tend à « fusionner » avec le thérapeute. Les thérapeutes « dépendants » favorisent les relations personnelles et mutuelles avec leurs patients.
Davantage de personnes entreprennent une thérapie à la suite de l’échec de la défense du sauveur ultime (besoins de dépendance, faible estime de soi, mépris de soi, vulnérabilité, tendance masochiste, dépression à la suite de la perte ou de la menace de la perte de l’autre dominant) qu’en raison d’un effondrement de la défense de particularité personnelle.
La défense constituée par la croyance en un sauveur ultime paraît intrinsèquement limitée.
Le névrosé  occulte le présent en tentant de retrouver le passé dans l’avenir.
Le présent et non le futur constitue le temps de l’éternité.  Un patient  découvrit avec étonnement qu’il pouvait choisir de ne pas faire les choses dont il n’avait pas envie.
Nous pouvons changer notre vie jusqu’au dernier moment mais uniquement jusque-là.
Yalom cite Nietzsche
: on revient régénéré de tels abimes, d’une aussi dure consomption, de la consomption du lourd soupçon, en ayant fait peau neuve, plus chatouilleux, plus méchant, avec un gout plus fin de la joie, avec une langue plus délicate pour toutes les bonnes choses, avec des sons plus joyeux, avec une seconde et plus dangereuse innocence dans la joie, à la fois plus enfant et cent fois plus raffiné qu’on ne l’a jamais été auparavant…
L’angoisse constitue un signal indiquant qu’une personne se sent menacée quant à la poursuite de son existence.
Grâce à la thérapie, une patiente  accéda à l’espace
 qu’Heidegger décrit comme celui de l’être authentique : elle s’émerveillait non de la manière dont les choses étaient mais simplement qu’elles soient.
Une fois les parents disparus, plus rien n’existe entre nous et la tombe. Au contraire, nous devenons nous-mêmes la barrière entre nos enfants et la mort.
La perte d’un enfant est souvent la plus grande perte qui puisse nous être infligée et nous portons simultanément  le deuil de notre enfant et le notre.
Les parents s’insurgent contre l’injustice de l’univers pour bientôt comprendre que ce qui s’apparente à de l’injustice est en fait de l’indifférence cosmique.
La perte d’un enfant possède une autre implication majeure pour les parents : elle traduit l’échec de leur principal projet d’immortalité. Ils seront oubliés, leur graine ne prendra pas racine dans l’avenir.
Pour Yalom, on est toujours dans le déni de la mort. Il a suivi des patients en fin de vie, notamment pour appliquer ce qu’il apprendrait à des patients en bonne santé.
Il donne beaucoup d’exemples concrets et constate qu’aucune relation n’est éternelle. « Karen passa à une nouvelle phase de sa thérapie : l’acceptation de la fin ».
Après confrontation dans des groupes de cancéreux
, une patiente écrit  » Tout d’abord ces femmes atteintes de cancer du sein n’ont pas besoin, je crois, qu’on leur rappelle l’inévitabilité de la mort. … la vie est précieuse, il ne faut pas la gâcher ! tirer le maximum de chaque journée, d’une façon qui fasse sens ! repenser ses valeurs ! réévaluer ses priorités ! ne plus remettre à plus tard ! faire !
Une autre patiente : Moi j’ai perdu du  temps. De temps à autre, il m’arrivait de ressentir très fortement que je n’étais qu’une spectatrice ou qu’une doublure regardant la pièce de la vie se dérouler dans les coulisses, mais toujours j’espérais, toujours je croyais qu’un jour je serai sur scène. Bien entendu, il y eut des moments où j’eus l’impression de vivre intensément, mais plus souvent qu’à son tour la vie ne semblait qu’un répétition de la « vraie » vie qui m’attendait.
L’angoisse de la mort
, bien qu’elle soit omniprésente et possède de multiples ramifications existe aux niveaux les plus profonds de l’être, se voit massivement refoulée et n’est que rarement expérimentées pleinement.
L’angoisse tente de devenir de la peur. La peur a toujours un objet. La peur est un courant à la surface de l’être, qui ne menace pas les fondations.
Il est possible d’aborder la mort sur un plan intellectuel et dépassionné. Pourtant, cette perception adulte n’est nullement comparable à la terreur tapie dans l’inconscient, une terreur qui se constitue à un âge précoce, bien avant le développement de la  pensée conceptuelle, une terreur horrible, brute, qui existe en dehors de tous langage et de toute représentation.
Tous les thérapeutes recourent à un système explicatif.  Un système de croyances fournit aux thérapeutes un sentiment de sécurité. Un système de croyances accroit la confiance en soi et le sentiment de maitrise du thérapeute, ce qui encourage le patient à lui faire confiance, ressort essentiel du traitement.  Par ailleurs, ce système de croyance permet d’accroitre l’intérêt que porte le thérapeute à son patient. Pour Yalom, la recherche d’une explication causale historique  (pourquoi le patient en est-il arrivé là ?) constitue une mauvaise orientation du processus thérapeutique.
Pour le thérapeute, il existe un niveau optimal de certitudes. Trop peu et trop s’avèrent contre-productifs. Trop peu retarde la confiance nécessaire. Trop confine à de la rigidité. Le thérapeute rejette ou déforme alors des données qui ne cadrent pas avec son système. Par ailleurs, le thérapeute ce faisant, évite de se confronter et d’aider la patient à se confronter à l’un des concepts au cœur de l’approche  existentielle, à savoir que l’incertitude existe et que nous devons tous apprendre à vivre avec.
Alors que les thérapies brèves éludent généralement toute prise en compte explicite de l’angoisse de mort, une thérapie longue et approfondie serait incomplète sans un travail relatif à la conscience et à la peur de la mort. Tant qu’un patient continue à chercher à se protéger de la mort par la croyance infantile que le thérapeute l’en délivrera, le patient ne quittera pas son thérapeute. « tant que je reste avec vous, je ne mourrai pas » : tel est le refrain muet qui se fait si souvent entendre dans des étapes ultérieures de la thérapie.
Une patiente
 prit conscience que, par le passé, pour fuir son angoisse de la  mort, elle avait tenté de fusionner avec son thérapeute ou ses amis. Elle cessa d’avoir peur de la solitude et commença à sentir qu’il lui serait possible de vivre une vie satisfaisante, même sans le confort d’une relation de dépendance à l’égard d’un enfant ou d’un homme.
Un vieil adage affirme :  « celui qui porte sa propre lumière n’a pas peur du noir ».
L’approche thérapeutique de Yalom est dynamique
. Elle accroit l’inconfort du patient. Il est impossible d’explorer les racines de son angoisse sans pendant un certain temps, traverser une phase d’angoisse et de dépression accrues.
La perspective de la mort semble moins perturbante lorsque le patient à le sentiment d’avoir bien vécu. Un sentiment d’accomplissement et l’impression d’avoir bien vécu apaise la terreur de la mort.
La posture du thérapeute est toute trouvée : S’il peut aider le patient à expérimenter une plus grande satisfaction face à sa vie, il peut apaiser l’angoisse excessive.
L’angoisse de la mort excessive entraine chez le patient une vie plus restreinte, visant davantage la sécurité, la survie et l’apaisement de la souffrance que la croissance et l’accomplissement de soi. Yalom raconte l’histoire de Philip qui croyait en sa particularité et qui évolua :  « Il ne voyait plus le temps comme un ennemi devant être caché ou vaincu ». Désormais, avec des jours entiers libres, Philip  commença à savourer le temps et à s’en délecter. Philipe apprit en effet qu’une vie vouée à la dissimulation de la réalité, au déni de la mort, limite l’expérience et finit toujours par s’effondrer sur soi.
« Désensibilisation à la mort » : Techniques similaires à  celles employées pour apprivoiser les autres formes de terreur, en exposant la patient encore et toujours à cette terreur, à dose homéopathique, lui permettant de se familiariser avec l’objet redouté et de l’inspecter sous toutes ses formes.  Le patient contacte de manière répétée sa terreur jusqu’à ce qu’elle disparaisse progressivement par le simple processus d’apprivoisement et de familiarité.

Partie 2 : la liberté


La liberté sera traité sous l’angle clinicien : la liberté du sujet à créer sa propre vie et la liberté du sujet de désirer, choisir, agir, et aspect essentiel en psychothérapie : changer.
La responsabilité : être conscient de sa responsabilité, c’est être conscient d’être le créateur de son self, de son destin, de ses situations de vie difficiles, de ses émotions et le cas échéant de sa souffrance.
Pour le patient qui n’assume pas sa responsabilité et qui continue de blâmer les autres pour sa dysphorie
 (personnes ou autres forces externes), aucune véritable thérapie n’est possible. On retrouve la règle E de la L.E.
Au niveau le plus profond, la responsabilité est synonyme d’existence.
Dans « la  nausée », Sartre écrit  l’un des passages les plus brillants de la littérature moderne. Il décrit ce moment d’illumination : la découverte de la responsabilité.
Le monde n’acquiert de sens que par l’acte créatif opéré par l’être humain.
Chez Sartre il y a la notion de responsabilité et de liberté. Nous sommes entièrement responsables de notre vie, non seulement de nos actions mais de nos incapacités à agir.
La position sartrienne n’est pas sur la plan de la morale. Sartre ne dit pas ce que je devrai faire, il affirme que ce que je fais est de ma responsabilité. « Un individu est la somme de ses actes. »
Yalom fait également référence au  Dasein d’Heidegger : « être là »
Je crée mon monde .
Le rôle central de la responsabilité dans les approches modernes de la psychothérapie
, ce n’est  pas un hasard. Entre l’époque de Freud et la notre, les symptômes ont évolué. Le patient d’aujourd’hui est davantage aux prises avec la liberté qu’avec des pulsions refoulées.
Yalom considère  le fait que le patient ne soit pas en mesure de définir le problème comme le problème.
L’atrophie des institutions sociales et psychologiques pourvoyeuses de structures nous conduit à nous confronter à l’enjeu de la liberté.
Nous sommes plus proches que par le passé d’une expérience des faits existentiels de la vie.  Nous n’y sommes pas préparés. Le poids se fait trop lourd, l’angoisse cherche à être soulagée. Sur le plan individuel et social, nous nous engageons dans une quête frénétique cherchant à nous protéger de la liberté.
Les défenses qui protègent la personne de la prise de conscience de sa responsabilité :  compulsion (le sujet n’expérimente pas la liberté mais existe sous l’emprise d’une force irrésistible étrangère au moi), délégation de la responsabilité, déni de cette responsabilité, évitement de l’autonomie,  pathologie décisionnelle.
Tant qu’une personne croit que sa situation et sa dysphorie sont causes par un tiers ou une force extérieure quelconque, quel sens cela a pour elle de s’engager dans un  processus de changement individuel ?
Les stratégies mises en place pour éviter la prise de conscience de cette responsabilité rivalisent  d’ingéniosité.
Problèmes  non résolus avec sa mère :  Comme souvent dans ce genre d’explications génétiques, cela sert davantage de prétexte à l’évitement de la responsabilité que de catalyseur de changement.
Les patients paranoïdes déplacent la responsabilité sur d’autres personnes et forces. L’objectif thérapeutique souvent impossible à atteindre consiste à les aider à accepter la paternité de leurs projections.
L’acceptation de sa propre responsabilité résulte aussi de l’abandon de la croyance en un sauveur ultime.
Lorsque nous désirons et décidons en pleine conscience nous sommes confrontés à notre responsabilité.
Nous nous créons nous mêmes. Le désir et la décision  constituent des briques de cette création.
Le thérapeute
 doit considérer que le patient est l’auteur de sa souffrance (règle E).
Le thérapeute doit trouver les modalités pour  transmettre ses informations au patient ( le rôle qu’il joue dans sa propre souffrance). La motivation à changer ne peut survenir tant que le patient n’a pas pris conscience qu’il a créé lui même sa dysphorie.
Yalom prend des exemples qu’on retrouve en L.E.
    •    Inviter le patient à s’approprier ce qui lui arrive
    •    « Il me tape sur les nerfs » devient « je le laisse me taper sur les nerfs »
    •    Substituer « je ne veux pas  » à   » je ne peux pas « 

Le principe général est le suivant : toutes les fois que le patient se lamente sur sa vie, le thérapeute l’interroge sur la façon dont il s’y est pris pour créer la situation.
En règle générale nos vies deviennent si structurées que la tentation est grande de considérer cette structure comme un fait établi, comme un bâtiment construit plutôt que comme une toile que nous avons nous même tissée et qui peut être retissée suivant un nombre infini de motifs.
Le déroulement d’une psychothérapie peut être structuré  autour du seul objectif d’amener le patient à prendre conscience de sa responsabilité.
On analyse le comportement du patient pendant sa thérapie. Les seules exhortations à se prendre en charge ne suffisent pas.

La responsabilité de l’ici et maintenant
 :
Le patient n’est pas un observateur objectif de sa souffrance de vie.
« Tout cela est bien beau mais vous ne mesurez pas à que point mon chef est horrible », etc…
Faire travailler le patient dans l’ici et maintenant est encore meilleur s’il y a en séance des situations qui ressemblent à  celles qui font souffrir le patient.
Le thérapeute peut aider le patient à prendre conscience de sa responsabilité dans tel ou tel comportement avant que ce dernier soit brouillé par des mécanismes de défense.
Doris se plaint  de ne rencontrer que des hommes abusifs mais fait tout pour les provoquer. Elle  fait tout pour susciter le comportement qu’elle redoute le plus.
Pour un thérapeute, la conscience de ses propres émotions constitue l’instruction  la plus importante pour identifier le rôle joué par un patient dans sa souffrance.
Les patients souvent avec la collusion silencieuse du thérapeute peuvent rester de façon confortable passive et permanente en thérapie. Leur poser la  question : « pourquoi venez vous ? »
« S’aider elle même, devenir sa propre mère la terrifiait car ce faisant elle se confrontait au savoir terrifiant qu’elle était libre responsable et fondamentalement seule « 
.
Dans un groupe, le participant est responsable de la manière dont les autres le voient, le traitent, le considèrent. En outre chacun est responsable du regard qu’il a sur lui-même.
Fritz Perls,( gestalt-thérapie)
 : Tant que vous combattez un symptôme, il empire.
Si vous assumez la responsabilité de ce que vous faites, de la manière dont vous produisez vos symptômes, votre maladie, votre existence, le processus de croissance et d’intégration débute.
L’approche de Perls se fonde sur le concept fondamental que l’évitement de la responsabilité doit être identifié et découragé.
Yalom cite également les approches de Victor Frankl,  Paul Watzlawick .
Perls était pleinement conscient des efforts réalisés par le patient pour manipuler les autres à commencer par le thérapeute afin que ceux ci s’occupent de lui.
Le thérapeute se retrouve face à 3 tâches immédiates :
    •    Identifier de quelle manière le patient tente d’obtenir du soutien de la part des autres au lieu de se le procurer lui même
    •    Eviter de se laisser absorber
    •    Et savoir que faire du comportement manipulateur du patient
Se confronter à  sa responsabilité
 nécessite une certaine force au niveau du moi pour se confronter à sa situation existentielle et à l’angoisse qui en résulte.
L’attitude que nous adoptons envers ce que nous vivons constitue le point essentiel de ce qui fait de nous des êtres humains.
Nous sommes responsables de ce que nous faisons de nos handicaps, de notre attitude envers eux, de ĺ amertume,  de la colère,  de la dépression.
Lien entre responsabilité et culpabilité : Nous sommes toujours coupables au sens où nous avons failli à l’accomplissement de notre possible authentique.
Lorsqu’une personne nie ses potentialités
,  ne les réalise pas, elle expérimente la culpabilité. Le sujet qui ne vit pas pleinement éprouve un sentiment profond et puissant de culpabilité existentielle.
Le vouloir
 :
Importance de l’action. L’action s’étend au-delà du sujet. Elle implique une inter-action entre le sujet et son environnement physique ou inter-personnel. L’action ne requiert pas nécessairement de mouvement flagrant ni même observable. Un geste ou un regard à peine esquissé vers un tiers peuvent constituer une action d’une importance cruciale. 
La thérapie ne peut produire un changement de personnalité que dans la mesure où elle conduit le patient à adopter un nouveau mode comportemental.
Le thérapeute se doit de courtiser l’action. Le problème est qu’il n’est pas formé pour.
Que se passe-t-il une fois que le patient a pris conscience qu’il est seul responsable des souffrances de sa vie ? La volonté ne suffit pas pour changer de monde.
 Otto Rank,  disciple de Freud, mais rupture en 1929. Il trouve le modèle de Freud trop déterministe.
Rank a travaillé sur  la volonté : Il n’est pas d’accord avec le postulat que l’inconscient, à l’instar de dieu, libère l’homme de sa responsabilité.
Faber
suggère que les choix de vie importants ne sont pas expérimentés consciemment comme des choix. 
Faber  dit qu’il y a deux sphères de volonté : la première sphère n’est pas élaborée de manière consciente pendant une action et doit être interférée après un évènement. Cette sphère peut être qualifiée d’inconsciente. Faber
suggère que les choix de vie importants ne sont pas expérimentés consciemment comme des choix.  En fait ce n’est qu’après que nous sommes en mesure de mesurer que nous avons effectivement fait un choix.
La seconde sphère est représentée par sa composante consciente. Elle est expérimentée pendant l’évènement.
A ces deux sphères de la volonté correspondent deux approches différentes en thérapie. La sphère consciente (le seconde) répond aux exhortations et aux appels, à l’effort et à la détermination. La première reste sourde à ces injonctions et requiert une approche indirecte : Nous pouvons voir un parallèle entre cerveau reptilien et cerveau cognitif.
« Je peux vouloir la connaissance, mais pas la sagesse; aller me coucher mais non dormir, manger mais non avoir faim, la rigueur mais non la vertu, etc… »
Le désir précède la volonté. Le désir sans volonté est puéril, la volonté sans désir est sèche. Le désir amorce les choses que le choix met en acte.
Le changement (l’action) constitue l’objectif du thérapeute. L’action responsable est déclenchée par le désir.  Nous ne pouvons agir pour nous mêmes que si nous avons accès a nos désirs.

L’incapacité à ressentir

Le thérapeute reçoit des patients qui sont incapables de ressentir ou d’exprimer leurs émotions par des mots. Ils ne peuvent localiser leurs émotions dans leur corps.  Le terme Alexithymie (absence de mots pour exprimer ses émotions) est utilisé pour qualifier ce tableau clinique.
Notre capacité à désirer se voit améliorer par une plus grande aptitude à  ressentir.  Pour désirer, il faut être en mesure de ressentir.
Fritz Perls
: lâchez la tête et ouvrez-vous à vos sensations. L’accroissement de la sensibilisation à soi était au cœur de la démarche de Perls. Perls travaillait uniquement au présent, les névrosés, selon lui, vivant trop dans le passé. Perls démarrait sur la sensibilisation à soi pour poursuivre vers le désir.
Pour Yalom, si le thérapeute se limitait à 3 questions, il obtiendrait des résultats probants avec tous ses patients, à l’exception des plus perturbés.
    •    Que faites-vous ?
    •    Que ressentez-vous ?
    •    Que voulez-vous ?
Un trouble du désir ne conduit pas nécessairement à l’inhibition et à l’impulsivité. Une personne qui réagit immédiatement à la moindre impulsion se trouve tout autant dans l’évitement du désir que celle qui réprime ou refoule ses désirs.
La tâche du thérapeute est d’aider le patient impulsif à transformer l’ambivalence séquentielle en ambivalence simultanée. Le ressenti sur un mode séquentiel de désirs conflictuels constitue une défense contre l’angoisse. La tentation est d’aider le patient à choisir, mais il ne faut pas, il faut  le laisser se confronter à ses désirs contradictoires et le laisser choisir.
La compulsion, défense contre la prise de conscience de la responsabilité, constitue également un trouble du désir.
La décision forme un pont entre désir et action.
Le changement thérapeutique ne consiste pas en une seule décision délibérée cruciale mais en un processus graduel composé de décisions multiples, chacune ouvrant la voie à la suivante.
Pour chaque oui, il y a un non.  Décider d’une chose implique toujours de renoncer à une autre.
Les décisions se révèlent très coûteuses : elles vous coûtent tout le reste.
Les décisions sont douloureuses parce qu’elles signifient la limitation des possibilités et plus nos possibilités sont limitées,  plus nous nous rapprochons de la mort.
La réalité de la limite constitue une menace à l’un de nos principaux modes de gestion de l’angoisse existentielle : l’illusion de la particularité qui nous portent à croire que bien que les autres aient des limites, nous en sommes exempts, nous sommes particuliers en dehors des lois naturelles.
« Immobiles au croisement, incapables de choisir un chemin parce qu’ils ne peuvent suivre les deux… »  : Excellente description du sujet incapable de renoncer à une possibilité.
Décider est un acte solitaire.

Décision et culpabilité
 :
Les impulsions de l’enfant rencontrent l’opposition du monde adulte : la volonté de l’enfant se manifeste tout d’abord comme opposition à cette opposition. Si l’enfant a la malchance d’avoir des parents qui tentent de réduire au silence cette expression impulsive, il est alors terrassé par la culpabilité et appréhende toutes les décisions comme mauvaises et interdites. Devenue adulte, cette personne ne peut décider, car elle ne se sent pas le droit de décider.
Le meilleur moyen, peut-être le seul, de gérer la culpabilité issue de la maltraitance d’un autre ou de soi est l’expiation. Il est impossible de vouloir à rebours. Il n’est possible d’expier le passé qu’en changeant l’avenir.
La procrastination constitue la stratégie   d’évitement la plus évidente.
Composantes douloureuses de la décision : renoncement, angoisse, culpabilité.
On érige des défenses contre ces menaces : notamment que la décision soit prise par un tiers. Yalom prend l’exemple d’une patiente nommée Alice. Sa brève thérapie fut efficace. Pourtant, elle laissa passer une opportunité de croissance en évitant les implications les plus profondes de  sa décision. Elle attirait pu se confronter à sa peur de la solitude, à son incapacité à envisager  sa vie sous un mode autonome  et sa propension à s’abandonner à l’homme dominant.
Éric Fromm
  a souligné à quel point l’attitude des êtres humains envers la liberté était ambivalente. Bien qu’ils luttent farouchement pour la liberté, ils se précipitent, lorsque l’occasion leur en est donnée, de l’abdiquer devant un régime totalitaire qui les décharge du poids de la liberté et de la décision.
Le leader charismatique capable de prendre les décisions en un éclair et avec confiance n’a aucune difficulté à recruter des troupes.
Pour manipuler le thérapeute, le patient peut exagérer sa vulnérabilité ou dissimuler sa force.
Lorsqu’on prend part à une décision on prend une responsabilité dans les implications de cette décision,  ce qui n’est pas le cas d’une décision imposée de l’extérieur.
Yalom cite le livre « l’homme-dé » de Luke Rhinehart  où le protagoniste prend la décision fondamentale de s’en remettre aux dés pour toutes les autres décisions.
La tâche du thérapeute n’est pas de créer de la volonté mais de la désentraver .
Nous ne pouvons pas ne pas décider. Les décisions passives ont un prix fort   en terme d’estime de soi. Pour s’aimer soi même, il est indispensable de se comporter de manière à pouvoir s’admirer soi-même.
Si le patient est incapable de se tenir à sa décision, on peut faire l’hypothèse que le patient a pris une autre décision.
Bénéfices de l’addiction : soulagement de l’angoisse, euphorie, dégagement de la responsabilité.
Chaque personne a le pouvoir de changer. Une relation patient thérapeute bienveillante et fondée sur la confiance joue un rôle crucial dans le processus de changement. Le patient trouve une gratification de voir son monde intérieur examiné,  le thérapeute est séduit par le défi intellectuel. Pendant ce temps, le véritable agent du changement, la relation thérapeutique germe en silence.
Le processus « Volonté, décision, action » peut prendre des années.  Ce qui est important c’est que « l’insight « soit dans le cadre de référence  du patient.  Cela peut être une explication astrologique. L’important est qu’il y ait changement favorable. Cela  pose des questions sur la notion de  vérité.
Il n’y a pas besoin de connaître l’origine du comportement
.
Yalom prend l’exemple de quelqu’un qui agresse les autres. Cela peut être une réaction dissimulant une couche de fort désir de dépendance qui se voir refoulé par l’anticipation du rejet. Cette explication n’a nullement besoin d’inclure la composante « comment le patient en est-il arrivé là ? »
Freud : « très souvent, on ne réussit pas à ce que le patient se rappelle le refoulé. En revanche, une analyse correctement mené le convainc fermement de la vérité de la construction, ce qui du point de vue thérapeutique, a le même effet qu’un souvenir retrouvé. « 
Le thérapeute adhérant à une doctrine déterministe est capable d’appréhender le passé de sorte à démontrer au patient qu’il a été victime d’évènements passés, que étant donnés les circonstances, il n’aurait pas pu agir différemment. Il y a une contradiction pour le thérapeute à absoudre le passé et invoquer la responsabilité pour l’avenir.
Une étude entre 10 thérapeutes freudiens et 10 analystes existentiels montra que les thérapeutes existentiels réalisaient beaucoup plus d’interventions soulignant les choix, la liberté et la responsabilité des patients.
Nombreux sont ceux à assumer une responsabilité et une culpabilité excessives pour les actions et les sentiments d’autres personnes. Bien que le patient puisse véritablement s’être livré à des transgressions envers un tiers, il convient de ne pas oublier la sphère de responsabilité de ce tiers qui se laissa blesser, mépriser ou maltraiter par le patient.
Outre que la justesse d’un système explicatif causal  ne soit pas démontré, il y a une autre difficulté d’ordre méthodologique : la réalité psychologique et la réalité historique sont distinctes. Le problème du passé est un problème de mémoire et donc de conscience. En d’autres termes, la passé est reconstitué par le présent.
L’exploration du passé vise à faciliter et à approfondir la relation présente, par opposition à la position freudienne où la relation présente sert à approfondir la compréhension du passé.
Partie 3 l’isolement

L’isolement existentiel

Le clinicien est confronté à trois types d’isolement :
    •    Inter-personnel :  en général éprouvé comme la solitude face aux autres
    •    Intra-personnel  : désigne le processus par lequel le sujet se coupe de partie de  lui-même. Le sujet accepte les « je dois » et se coupe de ses propres désirs.
    •    L’isolement existentiel renvoie à un abime infranchissable entre soi et un autre.
Ces formes d’isolement présentent des similitudes, peuvent renvoyer à des ressentis identiques et se cacher l’un l’autre.
Qu’est-ce que l’isolement existentiel ?
L’isolement existentiel est une « vallée de solitude » dont il est possible de s’approcher de maintes façons. Une confrontation à la mort et à la liberté conduit inévitablement l’être humain dans cette vallée.
Pour Erich Fromm
, l’isolement constitue la source principale de l’angoisse.
Cette solitude-vulnérabilité constitue une réponse émotionnelle compréhensible  au fait que nous sommes plongés, sans notre consentement,  dans une existence que nous n’avons pas choisi,  état qu’ Heidegger qualifie « d’être – jeté dans le monde ».
Outre nous constituer nous mêmes,  nous façonnons notre monde de telle sorte que nous nous dissimulons que nous l’avons créé .
Nous expérimentons seulement le monde du quotidien,  des activités routinières. Nous nous berçons dans un sentiment confortable et familier d’appartenance. Le vaste monde primitif du vide et de l’isolement est enfoui et réduit au silence et ne se rappelle à nous,  par brefs accès, que dans nos cauchemars et nos visions mythiques.
Camus dans « l’étranger » décrit l’un de ces moments.
Un patient de Yalom, cadre dirigeant à la carrière brillante raconte qu’il pris la décision de devenir célèbre et riche pour ne plus jamais ressentir ce sentiment : à douze ans, allongé en train de regarder le ciel nocturne, il se sentit soudain séparer de la terre mère « d’où venait-il ? », » d’où venait Dieu ? ». Il se sentit submergé par un sentiment d’isolement, de vulnérabilité et d’absence de fondement.
Robert Frost : »Ils ne m’effraient pas avec leurs espaces videsEntre les étoiles, étoiles privées de vieJe les ai en moi,  si prochesMes propres desserts, qui me terrifient »
Heidegger emploie le terme « d’étrangeté » pour qualifier cet état où nous perdons notre sentiment de familiarité avec le monde.
Lorsque nous (dasein), nous immergeons dans le monde familier de l’apparence et perdons contact avec notre situation existentielle, Heidegger considère que nous vivons dans le monde du « on »,  inauthentique.
Le verbe « exister »  implique la différenciation,  « ex-sistere » signifie littéralement « se détacher », « surgir ». Le processus de croissance et de maturité est un processus de séparation visant à faire de chacun un être séparé.
La vie humaine débute par la fusion d’un ovule et d’un spermatozoïde, passe par une période embryonnaire de dépendance physique totale à la mère, puis par une étape de dépendance physique et émotionnelle aux adultes de l’entourage.
Puis l’individu devient autonome,  séparé.  L’isolement constitue le prix à payer pour cette séparation et cette croissance.
Devenir une personne implique un isolement complet,  fondamental, éternel et insurmontable.
Le dilemme  « fusion-isolement » ou « attachement-séparation » constitue la tâche existentielle développementale majeure.
Isolement existentiel et isolement interpersonnel sont intimement liés. La peur de l’isolement existentiel constitue le moteur de nombre de relations inter-personnelles.
Nous devons apprendre à être en lien mais sans réduire l’autre à un outil ou à une défense contre cet isolement.
Pour Yalom, seule la confrontation à la solitude
  permet de nous engager pleinement dans un rapport à autrui.
L’approche de Yalom ne se centre pas sur les besoins de sécurité, d’attachement, de validation de soi, de satisfaction des désirs ou de pouvoir, mais sur l’analyse des relations dans leur dimension d’apaisement de l’isolement fondamental et universel.
Aucun rapport ne peut supprimer complètement l’isolement. Chacun de nous est seul dans l’existence. Toutefois, cette dimension de solitude peut être partagée de manière à ce que l’amour compense la souffrance de l’isolement.
Buber : « Il n’y a de grand rapport qu’entre véritables personnes ».
Tout système  explicatif du comportement postule l’existence d’un noyau conflictuel, recouvert de couches de mécanismes de protection et de dissimulation.
Une véritable relation implique des individus qui sont en lien avec l’autre dans une modalité qui ne vise pas à combler des besoins.
Pour être véritablement en lien avec l’autre, il est nécessaire de véritablement l’écouter, de renoncer à tous les stéréotypes et les anticipations par rapport à l’autre et s’autoriser à être modeler par la réaction de l autre. C’est proche de l’écoute résonnante en L.E.
La véritable ouverture
 à l’autre est très souvent remplacée par le monologue déguisé en dialogue.
Abraham Maslow a eu une influence immense sur la théorie psychologique moderne. Il est précurseur de la psychologie humaniste qui recoupe la psychologie existentielle en de nombreux points. Une des thèses principales de Maslow est que la motivation d’un individu est orienté soit vers la déficience soit vers la croissance. Si certains besoins psychologiques (sécurité, appartenance, identification, amour, respect, prestige) n’ont pas été assouvi, l’individu peut présenter des symptômes de déficience. Les personnes chez qui ces besoins sont satisfaits sont orientées vers la croissance et sont capables de réaliser le potentiel inné de maturité et d’actualisation de soi.
L’amour représente la meilleure option pour surmonter la souffrance inhérente à l’état d’être séparé.
    •    L’amour infantile suit le principe : j’aime parce que je suis aimé
    •    L’âme à maturité :  je suis aimé parce que j’aime
    •    L’amour inachevé ; je t’aime parce que j’ai besoin de toi
    •    L’amour accompli : j’ai besoin de toi parce que je t’aime
La conception de Fromm selon laquelle l’amour constitue un processus, non passif, mais bel et bien actif est d’une importance cruciale pour le clinicien. Les patients se plaignent de solitude, de ne pas être aimés et de ne pas être dignes d’amour, mais  le travail productif est toujours à accomplir dans la sphère opposée :  L incapacité à aimer. L’amour, c’est donner, non recevoir.  Un sujet présentant des tendances à recevoir, exploiter ou amasser se sentira diminué ou appauvri par le don. Un caractère mercantile se sentira trompé en donnant sans recevoir. Mais pour la personne accomplie et « productive », le don constitue une expression de force et d’abondance.
En donnant sans intention de recevoir, nous recevons . Dés lors que l’un donne, l’autre devient également un donneur. « Relation est réciprocité ».
Outre le don, l’amour accompli implique certains éléments fondamentaux : sollicitude, responsabilité, respect et connaissance.
Le clinicien devra s’attacher prioritairement à appréhender l’amour comme « attitude » (trait caractéristique de l’orientation au monde de celui qui aime), plutôt que comme relation envers un « objet » d’amour. Trop souvent, nous faisons l’erreur de considérer l’attachement exclusif à autrui comme une preuve de l’intensité et de la pureté de l’amour.
Une thérapie réussie,  c’est une thérapie qui se saisit de l’inattendu.
L’amour fraternel est, pour Fromm, la plus fondamentale de toutes les formes d’amour.
Caractéristiques d’une relation mature affranchie des besoins :
Eprouver de l’affection pour quelqu’un signifie :
    •    Etre en lien sur un mode désintéressé. L’affection mature prend sa source dans notre richesse intérieure, pas dans notre pauvreté,  dans la  croissance,  pas dans le besoin.
    •    Faire l’expérience de l’autre aussi pleinement que possible. Nous n’aimons pas parce que nous avons besoin de l’autre pour exister,  pour être entier, pour échapper à une solitude écrasante.
Celui qui aime d’amour mature a comblé ses besoins à d’autres moments,  d’autres manières,  l’une d’elle et non des moindres étant l’amour maternel éprouvé pendant les phases précoces de la vie.
Si nous ne parvenons pas à développer la force intérieure
,  le sentiment de valeur personnelle et l’identité stable grâce auxquels nous pouvons faire face à l’isolement existentiel et à assumer  l’angoisse, nous nous évertuerons sans relâche et de manière indirecte à trouver la sécurité.
Le sacrifice de soi est une autre variante: L’immersion dans un autre, dans une cause ou une passion procure un soulagement à notre angoisse d’isolement.
La personne névrosée n’est en relation qu’avec une partie d’elle-même, celle servant à affirmer son existence.
Aimer s’avère plus ardu qu’être aimé.
La fusion : Les personnes présentant une orientation majeure  vers la fusion sont généralement qualifiées de dépendantes. Elles vivent pour l’autre « dominant » (Et éprouveront vraisemblablement une détresse extraordinaire en cas de séparation d’avec cet autre dominant.
 ) Elles se ferment à leurs propres besoins, tentent de deviner les désirs des autres et de les faire leurs. Elles cherchent avant tout à éviter toute attaque. Elles privilégient la sécurité et la fusion au détriment de l’individuation.
Fusion et croyance en un sauveur ultime constituent deux modalités de protection contre l’angoisse par l’évitement de l’individuation.
Le sadisme
 : la personne en quête de fusion, qui se montre dépendante, supporte la douleur,  possède un homologue curieux. Celui qui cherche à dominer l’autre, à l’humilier, à infliger de la douleur, à devenir le maitre absolu de l’autre semble très éloigné de la personne dépendante en quête de fusion. Toutefois, comme le souligne Fromm « ces deux tendances résultent d’un même besoin fondamental et découlent de l’incapacité à tolérer l’isolement et la faiblesse de son propre moi ». L’individu sadique a besoin de son objet tout autant que le masochiste.  La différence entre le masochiste et le sadique se situe entre demandeur et receveur de cette fusion. L’un recherche la sécurité en se faisant avaler par l’autre, l’autre, en avalant.  Dans les deux cas, l’isolement existentiel se voit apaisé, soit par la perte de son état séparé et de son isolement ou par l’agrandissement de soi procuré par l’incorporation. Raison pour laquelle masochisme et sadisme oscillent souvent au sein du même individu : ils constituent des solutions différentes à un même problème.
Sexualité et isolement :  La sexualité peut être mise au service du refoulement de l’angoisse de mort. L’illusion du sexe offre quelque chose de profondément magique. Le sexe constitue une barrière puissante contre la conscience et l’angoisse de la liberté, dans la mesure où par le pouvoir qu’il exerce sur nous,  nous perdons tout sens que nous constituons notre monde.
La sexualité compulsive constitue une réponse courante à un sentiment d’isolement.
Toutes les relations d’une personne
 reflètent  les autres : il est rare qu’une personne établisse des relations sur un mode inauthentique avec certaines personnes et sur un mode authentique et aimant avec d’autres.
Une relation pleine et aimante  est une relation à un autre, non à une figure extérieure du passé ou du présent.
La relation personnelle entre le thérapeute et son patient se révèle cruciale pour le processus de changement
. Souvent le thérapeute sous-estime l’importance de ce facteur et sur-estime celle de ses contributions cognitives. Souvent le thérapeute évoque une figure d’autorité ( professeur, parent, employeur, juge).
S’il y a transfert et donc relation non authentique, le patient ne mobilise pas son soi véritable mais établit avec le thérapeute un lien de façon à fuir l’isolement et à réaliser la fusion .
Selon Kaiser, une thérapie réussie implique que le patient passe un temps suffisant avec une personne possédant certains traits de personnalité :
    •    Un intérêt pour autrui.
    •    Des conceptions théoriques psychothérapeutiques qui n’entravent pas son intérêt à aider le patient à communiquer librement.
    •    L’absence de schémas névrotiques qui nuiraient à l’établissement de la communication avec le patient.
    •    Une disposition mentale à la réceptivité, c’est-à-dire une capacité à sentir la duplicité outre les mécanismes de non-communication chez le patient.
Peut être que le plus important
 est que le thérapeute est souvent la seule personne qui connaît véritablement le patient.  Confier nos peines, nos côtés sombres et continuer à être accepter par cette personne est une expérience structurante.
Le thérapeute aide le patient à comprendre qu’il est l’auteur et le responsable de ses souffrances  et que lui seul peut les changer.
Le thérapeute est capable d’être là ou il se trouve et là où le patient se trouve. Le patient ne peut être que là où il se trouve.
Le thérapeute mature éprouvera de la sollicitude pour son patient en dépit de la rébellion, du narcissisme, de la dépression etc.  Il éprouvera de la sollicitude à cause de ces expressions,  dans la mesure où elles reflètent l’immense besoin de sollicitude du patient.
Une affection authentique pour autrui signifie éprouver de la sollicitude pour la croissance de l’autre et de donner vie à quelque chose à l’intérieur de lui.
Le thérapeute peut être appréhendé comme une sage femme accouchant le patient de sa vie non encore vécue.
Attitude souhaitée chez le thérapeute :
    •    Empathie, authenticité
    •    Estime positive inconditionnelle
Pour un thérapeute existentiel, lorsque la technique est mise en avant, tout est perdu. L’essence même de la relation authentique est d’être exempte de toute manipulation et de constituer un élan vers l’autre émanant de tout son être.
La tâche principale du thérapeute mature est d’apprendre à tolérer l’incertitude.
Le thérapeute doit se dévoiler en tant que personne, il ne peut rester détaché, passif et caché. C’est la relation qui soigne. Les thérapeutes efficaces réagissent envers leurs patients sur un mode authentique. Ils établissent une relation que le patient perçoit comme sécurisée et acceptante.
Il n’est pas prouvé que le dévoilement et la compréhension du passé soient facteurs de changement en thérapie
.
Freud croyait ( croyance partagée par la grande majorité des psychanalystes contemporains) que l’ analyse du transfert était la tâche majeure du thérapeute. Freud concevait le transfert comme une représentation vivante des expériences précoces d’un patient,  trop précoces pour être pleinement accessibles à la mémoire.  Cette logique fait du thérapeute un écran blanc.
Ferenczi,  un des premiers et des plus loyaux disciples de Freud, disait que la posture détachée  nuisait à l’efficacité thérapeutique.
L’une des caractéristiques principales de « l’éros psycho-thérapeutique » est la sollicitude aimante pour le devenir de l’autre.
Les thérapeutes doivent garder pour eux certaines choses, ne rien dire qui puisse être destructeur pour le patient, respecter soigneusement le rythme de la thérapie et celui du patient, déterminer ce qu’un patient est prêt ou non à entendre.
Le patient
 n’a qu’un seul thérapeute, qui lui a plusieurs patients.
Le thérapeute est beaucoup plus important pour le patient que le patient ne l’est pour le thérapeute.  Une seule réponse :  Lorsque le thérapeute est avec le patient, il lui donne sa présence pleine et entière, Il est intégralement à ses côtés.

Partie 4 l’absence de sens


Quel est le sens de la vie ? quel est le sens de ma vie? Pourquoi vivons-nous ? Pourquoi sommes-nous ici ? Sur quoi  fonder notre existence ? Si nous devons mourir, si rien ne dure, quel sens tout cela a-t-il ?
Peu furent autant tourmentés sur ces questions que Tolstoï .  Tolstoï : A quoi bon ? et après ? A 50 ans, il envisage le suicide. « Est- il dans ma vie un sens qui ne soit détruit par l’inévitable mort qui m’attend? »
Camus : la seule question philosophique sérieuse est de continuer à vivre lorsqu’on a pleinement saisi l’absence de sens de la vie humaine.
Combien de patients vont en thérapie pour cette raison ? Jung estimait qu’un tiers de ses patients ne souffrait d’aucune névrose cliniquement assimilable mais seulement de l’inutilité du vide et de l’absurdité de leur existence.
Pour Frankl, 20% des névroses découlent d’un sentiment de l’absence de sens.
L’absence de sens constitue le stress existentiel majeur.
Le problème du sens : L’être humain semble avoir besoin de sens. Mais le concept existentiel de liberté pose le seul véritable absolu qui est  : il n’y a pas d’absolu.
La question peut se poser ainsi  : comment un individu qui a besoin de sens trouve-t-il du sens dans un univers qui en est dépourvu ?
« Quel est le sens de  la vie ? » cette question se situe sur un plan cosmique.
« Quel est le sens de ma  vie ? » renvoye à ce que certains philosophes nomment « le sens terrestre ».
Sens cosmique : dans le monde occidental, la tradition judéo chrétienne offre un système explicatif complet  selon lequel le monde et la vie humaine participent d’un plan divin.
Thomas Mann
 : « Au plus profond de mon âme je caresse une hypothèse : c’est que l’acte créateur qui, du néant fit jaillir l’univers, de même que la naissance de la vie à partir du monde inorganique, avaient pour seule fin l’homme et qu’avec lui une grande tentative est faite dont l’échec par la faute des hommes équivaudrait à l’échec de la création elle-même.  Quoiqu’il en soit, il serait bon que l’homme se comporta comme s’il en était ainsi. « 
Les êtres humains trouvent un immense réconfort dans la croyance en un schéma supra ordonné et cohérent de la vie.
Il y a 300 ans,  l’approche scientifique  a commencé à remettre en cause cette croyance. 
Deux écrivains-philosophes ont cherché le sens dans un monde absurde : Camus et Sartre. Chez Camus, le monde est absurde, n’a pas de sens. Je peux en faire quelque chose : courage, rébellion, solidarité fraternelle.
Ndlr : Camus dit « une fois que j’ai compris que le monde est absurde, qu’est-ce que j’en fais ? je reste là à me morfondre ou je fais quelque chose ? »  Plus de solidarité, de partage, etc… Jamais Camus n’est pris en défaut sur la rigueur éthique.  Sans compter que chez Camus, il y a le soleil, la Méditerranée. Le monde est absurde mais je saute dans l’eau bleue et  je vis, je vibre.
Yalom cite les activités séculaires conférant aux êtres humains un sentiment de finalité :
    •    L altruisme

    •    Le dévouement à une cause. Les causes potentielles sont innombrables : famille, état, religion, entreprise scientifique. L’aspect essentiel de cette cause est que si elle doit donner du sens à la vie, elle doit élever l’individu en dehors de lui-même et faire de lui une pièce collaborant à un schéma plus vaste.
    •    La créativité
 : Des artistes confrontés à de graves handicaps personnels ou à de fortes contraintes sociales ont sublimé cela dans la créativité.  Il suffit de songer à Galilée, Nietzsche, Dostoievski, Freud, Kafka, les sœurs Brönte, Van Gogh, Virginia Woolf. Ils avaient une perception plus fine que la plupart d’entre nous de la situation existentielle humaine et de l’indifférence cosmique de l’univers. Dés lors,  ils consacrent avec l’énergie du désespoir toute leur énergie à leur entreprise créatrice. (Beethoven affirma que son art l’avait sauvé du suicide).
Le chemin de la créativité n’est pas réservé à l’artiste. La découverte scientifique constitue elle aussi un acte créatif au plus haut point.
Même la bureaucratie peut être abordé de façon créative.  Un chercheur qui avait changé de voie dit : « Dans la recherche comme dans l’administration, l’excitation et l’euphorie dépendent de la puissance créative. C’est faire en sorte que les choses réussissent.  Je  trouve désormais l’administration plus excitante que la recherche. »
Une approche créative de l’enseignement, de la cuisine, des jeux, des études, de la comptabilité , du jardinage ajoutent  indéniablement du prix à la vie.
Les situations professionnelles qui étouffent la créativité et transforment les individus en automates génèrent toujours, quel que soit le salaire, un profond sentiment de frustration.
La créativité recoupe l’altruisme :  on cherche à améliorer aussi pour les autres.
    •    La solution hédoniste : Vivre pleinement, conserver sa capacité d’étonnement et d’enthousiasme face au miracle de la vie. « La vie est un cadeau.  Prenez-le,  ouvrez-le, appréciez-le, utilisez- le, et  goutez-le »
    •    L’actualisation de soi : Tendre vers l’accomplissement de son potentiel.  Aristote : « parvenir à la réalisation de son être ». 
« Le gland se réalise en chêne,  l’enfant en adulte ».
Pour Maslow
, l’actualisation constitue  le processus fondamental de l’organisme humain. Il considère la société comme un vecteur d’obstruction à l actualisation de soi. Il oppose deux images :  des enfants jouant  joyeux et une foule pressée et triste  dans le métro.  Que s’est-il passé entre les deux périodes ? Comment l’individu a évolué de l’enfant joyeux à l’adulte triste du métro ?
Pour Maslow, la personne pleinement actualisée,  un pourcentage faible de la population, se soucie des autres plus qu’elle ne les utilise comme moyen d’expression de soi ou pour combler un vide personnel.
L’altruisme et d’autres formes de transcendance de soi augmentent avec l’âge
. Les études montrent que cela peut être différent pour les femmes qui se sont occupés des autres, mari et  enfants, et qui à la maturité pour la première fois, sont plus préoccupées d’elles- mêmes que des autres.
FRANKL  s’intéressa au rôle du sens en psycho-pathologie et employa le terme logo
-thérapie dans les années 20. Dans son œuvre,  le sens de la vie occupe une place centrale. Pas assez reconnu par ses pairs, pas assez académique, il avait une prédilection pour l’importance de l’émotion. Déporté Auschwitz de 1943 à 1945, il eut l’intuition qu’avoir trouvé un sens à sa vie fut cruciale pour sa survie. Par la suite, Frankl trouva un sens à sa vie en aidant les autres à trouver le sens de leur vie.
Frankl commence par interroger le principe freudien de la motivation, à savoir l’homéostasie, selon lequel l’organisme humain s’efforce continuellement de conserver un équilibre intérieur. Pour lui et d’autres théoriciens, la théorie de l’homéostasie n’est pas satisfaisante pour expliquer de nombreux aspects majeurs de la vie humaine. Selon Frankl,  ce dont ľ humain a besoin, ce n’est pas de vivre sans tension mais de tendre vers un but véritable.
Frankl baptise son orientation la troisième école viennoise de psycho-thérapie.
    •    Le principe de plaisir freudien constitue le principe directeur de l’enfant
    •    La volonté de puissance adlérienne celui de l’adolescent
    •    La volonté de sens celui de l’adulte mature
Frankl : « ce qui importe ce n’est pas la grandeur du rayon de vos activités mais la façon dont vous en remplissez le cercle ».
L’absence de sens est très intimement liée aux loisirs et aux désengagements
. Le temps libre nous est problématique en ce qu’il nous impose la liberté. Le travail n’est plus pourvoyeur de sens.  De nombreux emplois n’ont aucune valeur intrinsèque.
Le dilemme de l’homme moderne, avance Frankl est que son instinct ne lui dit pas ce qu’il doit faire, ni les traditions ce qu’il devrait faire. Il ne sait pas non plus ce qu’il veut faire. Le conformisme et la soumission au totalitarisme (faire ce que les autres désirent) constituent deux réactions comportementales à cette crise des valeurs.
L’activité compulsive consume une si grande part d’énergie que l’enjeu de sens est non-visible.
Certains patients traverse  une crise du sens à la suite d’une psycho- thérapie
.
En occident, tout est préparation à autre chose
. Les activités sont appréhendées sur un mode similaire : le passé et le présent constituent une préparation à ce qui soit suivre.
Le monde oriental n’a jamais partagé la conception selon laquelle la vie avait un sens ou qu’il s’agissait d’un problème à résoudre.  La vie est un mystère à vivre.
Un sage indien : « l’existence n’a pas de but. Elle est pur voyage. Le voyage de la vie est si merveilleux, pourquoi donc se soucier de sa destination ? »
Le thérapeute doit reformuler la plainte d’absence de sens de son patient afin de découvrir la présence d’ enjeux parasites. La pratique a enseigné à Yalom qu’il était toujours fructueux de s’intéresser de manière approfondie aux efforts manifestés parle patient pour s’exprimer sur le plan créatif. « Le bonheur s’ensuit, il ne peut être poursuivi ». Plus nous recherchons, l’auto-satisfaction plus elle nous échappe.
Technique de « déréflexion » de Frankl : Consiste à dire au patient d’arrêter de se focaliser sur lui même et de rechercher un sens à l’extérieur de lui.
Trois catégories de sens peuvent être trouvés :
 
    •    Accomplissement créatif
    •    Expérience
    •    Attitude vis-à-vis  de la souffrance
La vision galactique de la vie constitue un problème épineux pour les thérapeutes
.  Schopenhauer représente cette tradition du pessimisme philosophique. Comment y répondre ? Tout d’abord, si rien n’a d’importance, il ne devrait pas y avoir d’importance au fait que rien n’ait d’importance. Nous devrions retourner à notre absurde vie avec ironie plutôt qu’avec désespoir.  Schopenhauer avait beau dire que rien n’avait d’importance,  il lui importait de s’opposer au système hégélien, écrire et exercer la philosophie plutôt que de se suicider.
Un nouveau schéma de signification ou un état profond de doute  n’annule pas le sens qui existaient à d’autres moments de la vie. L’engagement résolu dans une activité  est une réponse à l’absence de sens. Hume, Sarte, Calus, Tolstoï  le préconisent. Tosltoï  : « on pouvait vivre tant qu’on s’enivrait de la vie ».
La mort, la liberté et l’isolement doivent être approchés sur un mode direct. En revanche avec l’absence de sens, le thérapeute doit aider les patients à regarder ailleurs, à considérer les enjeux de l’engagement  au lieu de s’embourber dans l’enjeu d’absence de sens.
Dernière phrase du livre : Comme Bouddha nous l’a enseigné, la question du sens de la vie n’est pas édifiante.  L être humain doit s’immerger dans le fleuve de la vie et laisser la question être emportée  par le courant.

« Spinoza avait raison » d’Antonio Damasio

Par Jocelyne Pringard (mars 2015) PLE – 8

Joie et tristesse, le cerveau des émotions


Ce livre, en fait, c’est un peu la rencontre d’un philosophe et d’un neuroscientifique à 400 ans d’écart.


Spinoza a vécu 44 ans de 1632 à 1677. Juif portugais, exilé en Hollande, il a été banni à 24 ans pour ses idées. Il remettait en cause la religion. il était d’une famille riche, conscient d’avoir été privilégié pour l’apprentissage de la culture.


Chez Spinoza, Dieu existe : mais c’est la nature qui s’exprime à travers les créatures vivantes.


Damasio a été interpellé par Spinoza.


Il l’a lu à l’adolescence, l’a trouvé fascinant et rébarbatif (1), l’a  oublié et l’a redécouvert (2). Il avait noté une phrase un jour sur un papier, et à un moment de sa vie, après ses travaux scientifiques, il a relu cette phrase et s’est aperçu que cela avait une correspondance avec ses travaux . Cette phrase c’était :
« Le fondement de la vertu est l’effort même pour conserver son être propre… et le bonheur consiste pour l’homme à vouloir conserver son être. « 
Spinoza a eu une intuition biologique de la nature de l’homme.
En effet, si Descartes dit qu’il y a le corps et l’esprit, il ne dit pas comment se passe l’interaction. Spinoza (3) cherche à surmonter ce problème des deux substances (Corps et esprit) et comment les intégrer.
Pour Spinoza, l’esprit et le corps jaillissaient parallèlement de la même substance inter-agissante et agissaient en symbiose à travers les différentes manifestations tant du corps que de l’esprit.
Spinoza comme Damasio disent que la joie et la tristesse sont des idées du corps qui s’efforce de manœuvrer pour atteindre un état de survie optimal. La joie et la tristesse sont des révélations mentales de l’état du processus vital.
Le signal émotionnel accroit l’efficacité du raisonnement et l’accélère. Nous retrouvons là des résonances avec la Logique Émotionnelle.
Damasio vérifie tout cela à travers des expériences scientifiques. Dans le livre, il y a un va et vient permanent (4) entre les « intuitions » de Spinoza et les découvertes de Damasio.
Damasio est portugais également. Il est né en 1944. Il est professeur de neurologie et parmi ses découvertes, il y a : la démonstration que les émotions sont impliquées dans la prise de décision.
Pour lui (comme pour Shakespeare cité dans le livre 5), les émotions précèdent les sentiments.
Mieux, il a réussi à le démontrer scientifiquement.
Damasio travaillait sur une malade atteinte de la maladie de Parkinson et comme souvent c’est par hasard qu’il a démontré que l’émotion précède le sentiment. Son équipe et lui faisaient des tests sur un traitement qui consistait à provoquer des réactions par des électrodes.
Sur une patiente, cela a déclenché une expression de tristesse, puis elle s’est mise à pleurer et a expliqué à quel point elle était triste.
Le praticien a arrêté l’expérience et 90 secondes plus tard, le comportement de la patiente est redevenu normal.
Ce qui est remarquable, c’est que les pensées liées à l’émotion ne venaient qu’après que l’émotion ait commencé.
Il y a aussi un chapitre consacré aux sentiments qui sont définis « comme un certain état du corps et un certain état d’esprit ».
« Les sentiments sont nos sentinelles. Ils font savoir à notre soi conscient, fugace et étroit, ce qu’il en est de l’état vécu de notre organisme ».
Le chapitre consacré aux sentiments est plus difficile à appréhender, Damasio est un chercheur.
Ce qui prouve aussi l’importance des émotions et des sentiments dans nos comportements, c’est que des patients ayant des lésions préfrontales restent capables de raisonnement, mais n’éprouvant plus d’émotion et notamment d’empathie deviennent incapables d’avoir une vie sociale normale.
Certains disent que Spinoza est le philosophe des scientifiques, C’est aussi le philosophe de la joie.
Spinoza « interpelle » suffisamment pour que Damasio ait fait ce livre et pour que Yalom ait écrit récemment ce roman passionnant « Le problème Spinoza ».

Concluons avec cette phrase de Spinoza citée par Damasio dans son livre :  » Spinoza nous dit que le bonheur est le pouvoir d’être libre vis-à-vis de la tyrannie des émotions négatives ».

Notes complémentaires :
Spinoza :  » Un sentiment ne peut être contrarié ou supprimé que par un sentiment contraire et plus fort que le sentiment à contrarier ».
Spinoza nous dit donc de combattre une émotion négative avec une émotion plus forte mais positive, apportée par le raisonnement et l’effort intellectuel. L’idée selon laquelle on ne pouvait soumettre les passions que par l’émotion induite par la raison, et non par la pure raison seule est centrale  dans sa pensée.

Shakespeare (p 34) : A la fin de Richard II, Shakespeare annonce que le processus unifié de l’affect que nous appelons indifféremment émotion ou sentiment peut se décomposer en parties.
Les émotions précèdent les sentiments. Ce qu’on retrouvent en L.E. : le cerveau reptilien.
Damasio dit que c’est parce que les émotions sont forgées à partir de réactions simples qui favorisent la survie d’un organisme.
De l’humble amibe à l’être humain, tous les organismes vivants naissent munis de procédés conçus pour résoudre automatiquement sans qu’il soit besoin de raisonner les problèmes de base que pose la vie : trouver des sources d’énergie, incorporer et transformer de l’énergie, préserver un équilibre chimique intérieur compatible avec le processus de vie, se défendre contre les agents extérieurs que sont la maladie et les blessures physiques. Le mot « homéostasie » résume à lui seul l’ensemble de ces régulations.
L’effort continuel pour atteindre un état de vie positivement régulée est une part essentielle et profonde de notre existence, c’est même selon l’intuition de Spinoza la réalité première de notre existence, à savoir l’effort incessant (conatus) de chaque étant pour persévérer dans son être.
Lutte, effort et tendances, tels sont les trois mots les plus propres à rendre compte du terme latin conatus tel qu’il est utilisé par Spinoza dans les propositions 6, 7 et 8 de la troisième partie de l’éthique.
« Chaque chose selon sa puissance d’être s’efforce de persévérer dans son être ».
« L’effort par lequel chaque chose s’efforce de persévérer dans son être n’est rien en dehors de l’essence actuelle de cette chose ».
Les émotions proprement dites, le dégout, la peur, le bonheur, la tristesse, la sympathie et la honte, ont directement pour but la régulation de la vie en conjurant les dangers, en aidant l’organisme à tirer avantage d’une occasion favorable ou indirectement en favorisant les relations sociales.
Damasio6 dit qu’il lui semble que les réactions qui donnent lieu aux préjugés sociaux et culturels sont en partie fondées sur le déploiement automatiques d’émotions sociales que l’évolution a mis en place pour détecter la différence chez autrui, parce que la différence peut signaler un risque ou un danger.  Cette sorte de réaction remplissait des fonctions utiles dans les sociétés tribales, mais elle n’est plus adaptée et encore moins utile dans nos sociétés.
Damasio classe les émotions en trois catégories : les émotions d’arrière plan, les émotions primaires et les émotions sociales.
Les émotions constituent le moyen naturel pour le cerveau et l’esprit d’évaluer l’environnement à l’intérieur et hors de l’organisme.
La chose déclenchant l’émotion n’a pas besoin d’être présente.
Spinoza l’avait vu  » l’homme est affecté du même sentiment de joie et de tristesse par l’image d’une chose passée ou future et par l’image d’une chose présente. »

Damasio est neurobiologiste et essaye de comprendre notre fonctionnement : Il y a une notion fondamentale des neurosciences cognitives : toute fonction mentale complexe résulte de la contribution concertée de nombreuses régions cérébrales à différents niveaux du système nerveux central plutôt que du travail d’une unique région du cerveau.

il est maintenant bon de se demander à quoi servent les sentiments.
On peut être d’accord avec Spinoza dit Damasio pour dire que la joie est associée à une transition de l’organisme vers une plus grande perfection.
Les cartes liées à la tristesse sont associées à des états de déséquilibre fonctionnel. Cela peut aboutir à la maladie et à la mort.
Dans la plupart des circonstances, les cartes corporelles de tristesse reflètent l’état réel de l’organisme.
Les sentiments sont nos sentinelles. Il font savoir à notre soi conscient, fugace et étroit, ce qu’il en est de l’état vécu de notre organisme.
La joie et la tristesse sont des idées du corps qui s’efforce de manœuvrer pour atteindre un état de survie optimal. La joie et la tristesse sont des révélations mentales de l’état du processus vital.
Différentes types d’actions deviennent associés à différents types d’émotions7.
Un sentiment au ventre peut vous suggérer d’éviter un choix qui dans le passé a eu des conséquences négatives.
Le signal émotionnel n’est pas un substitut du raisonnement proprement dit. Il joue un rôle auxiliaire et accroit l’efficacité du processus de raisonnement et l’accélère.
Bien qu’elle est rarement été dominante, l’idée selon laquelle les émotions sont intrinsèquement rationnelles remonte à il y a longtemps. Aristote, Spinoza le pensaient.
L’étude des émotions sociales n’en est qu’à ses débuts. Exemple du marxisme, de la soumission/dominance.

Proposition 18 de la 4ème partie de l’éthique :  » Le fondement de la vertu est l’effort même pour conserver son être propre, et le bonheur consiste pour l’homme à pouvoir conserver son être. »
Beauté de cette citation : elle contient le fondement d’un système éthique et ce fondement est biologique. Il est le résultat d’une découverte fondée sur l’observation de la nature humaine et non sur la révélation d’un prophète.
La définition du bien et du mal est simple et élégante. les objets bons sont ceux qui suscitent de façon fiable et durable, les états de joie dont Spinoza pensent qu’ils accroissent le pouvoir et la liberté d’agir. Les objets mauvais sont ceux qui produisent le résultat contraire : leur rencontre avec un organisme sont désagréables à celui-ci.
Les bonnes actions sont celles qui, tout en faisant le bien de l’individu via ses appétits et ses émotions naturels, ne font pas de mal aux autres individus. Cette injonction est sans équivoque. Une action qui pourrait être personnellement bénéfique mais ferait du mal à autrui n’est pas bonne, parce que faire du mal à autrui nous hante toujours et fait parfois du mal à celui-là même qui a agi ainsi.
On n’insistera jamais assez sur l’importance des faits biologiques dans le système de Spinoza.
Au bout du compte, tout ce que nous pensons et faisons résulte de certaines conditions et de certains processus antérieurs qu’il se peut que nous ne puissions contrôler. Mais on peut encore répondre catégoriquement « non », aussi fermement et catégoriquement que Kant, aussi illusoire soit la liberté de ce non.

La mémoire et la conscience chez l’être humain. Ce sont ces deux dons combinés ainsi que leur richesse qui donnent lieu au drame humain et lui confère un statut tragique ici et maintenant.
La confrontation avec la mort et avec la souffrance dérange l’état homéostatique.
Spinoza voit dans la bible un réservoir de connaissances utiles sur la conduite humaine et l’organisation civile.
La seule chose qu’on doit redouter c’est notre comportement. Quand on ne parvient pas à être bienveillant avec les autres, on se punit soi-même, ici et maintenant et on s’empêche d’atteindre la paix intérieure et le bonheur, ici et maintenant.

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