L’autorité, un chemin initiatique qui prend du temps
Apprivoiser son autorité, ça prend du temps. C’est un processus progressif au très long cours. Et c’est une bonne nouvelle : nos circuits neuronaux sont faits pour perdurer. Pourtant, dans notre monde, pris dans l’habitude de l’urgence et de l’efficacité dans notre relation à nous-mêmes et aux autres, ce temps nécessaire peut être vécu comme un problème. La recherche de la performance nous inciterait-elle à nous presser (comme un citron) ? Et si prendre du temps, ensemble, c’était au contraire une formidable opportunité ?
Les personnes en panne, en peine, en conflit, en difficulté… ont toutes expérimenté déjà des solutions insuffisantes pour soulager durablement la souffrance même si elles leur ont déjà permis de survivre jusqu’ici (merci). La difficulté perdure.
Il serait tentant de leur proposer une énième solution miracle. La promesse de la logique émotionnelle réside ailleurs, dans l’autorité du vivant. Faute de regarder en face les causes neurobiologiques à l’œuvre dans notre construction psychique, nous restons piloté par elles. Les reconnaître, c’est recouvrer son pouvoir.
Exercer l’autorité du vivant, c’est s’autoriser à agir, à écouter, à vivre singulier et relié. Se poser là. L’autorité se construit pas à pas, avec la sincérité du témoin, en partant de ce qui existe déjà, depuis sa propre expérience. L’autorité passe par une parole qui résonne avec ce qui est écouté, une parole qui cherche ce qui est vivant, ici, dans ce qui est donné là. L’autorité a une fonction : ordonner… le vivant, au sens de réguler, de favoriser l’”ordre”, au sens d’ « autoriser », faire croître, fonder nos choix. C’est uniquement en cas de crise, et encore une fois pour survivre, qu’ « ordonner » prend le sens de commandement, d’ordre impératif.
L’autorité demande une conversion du regard : il s’agit de passer d’un regard de soumission au déjà connu à un regard émerveillé et attentif à l’encore inouï. Plus je témoigne de ce que je suis, plus je sais qui je suis. C’est un appel à doucement s’apprivoiser soi-même.
En nous focalisant sur une recherche de légitimité via les formations, les formatrices ou formateurs ou les certifications, voire la quête de nouveaux outils… nous remettons sans cesse à plus tard l’incarnation de notre autorité propre. Nous entretenons la peur de “ne pas” : ne pas avoir de valeur, ne pas être à la hauteur, compétent, important, aimé… Et nous abandonnons l’autorité véritablement légitime, celle qui est fondée sur le vivant dans sa complexité conservation/croissance.
Embrasser pleinement son autorité est un chemin initiatique, parfois difficile, un chemin de crête. Et c’est en osant s’y engager, avec ce que nous sommes et ce que nous savons déjà, que nous pourrons peu à peu l’incarner à nos propres yeux. Lâchons l’illusion d’un idéal lointain à conquérir, cultivons jour après jour, une réalité déjà là, à partir de notre expérience vivante.
Le chemin est exigeant mais ô combien fécond, pour nous-mêmes et pour ceux que nous accompagnons. Un pas après l’autre, avec constance.
Usha Matisson