Décrypter l’intelligence vivante de l’émotion

Année : 2022

Quand l’actualité vient résonner… émotionnellement

Kyiv, Qu’écouter ? Qui écouter ? Comment se laisser in-former ?

J’écoute avec stupeur les informations : L’Ukraine est envahie.

Les militaires aux ordres de Poutine bombardent les villes et les habitants. Ils visent ceux qu’ils nomment les « anti-russes », tuent leurs frères pour rétablir la « Grande Russie ».

Poutine menace d’utiliser l’arme nucléaire. Tétanisés que nous sommes, malgré l’invasion, nous n’enverrons pas de soldats se faire tuer pour l’Ukraine. Ni s’interposer ?

J’ai peur. Suis-je sous les bombardements ? Habité je l’Ukraine ? Suis-je ukrainien ? Suis-je anti ou pro russe ?

Non.

Qu’est-ce que je fais qui contribue à l’exaspération de ma peur ? Je m’informe en regardant seul l’info continue à la télé ou en balayant sans fin le fil d’un réseau social…

Vite un appui. Je sature mon attention d’infos et d’images extérieures.

Je regarde, j’entends se répéter des informations alarmantes, les sirènes avant bombardements. Je suis saisi, ça se crispe en moi. Je retiens mon souffle. Pour avoir de l’air et me sentir plus sûr, je respire plus fortement. Je me rends compte que j’alimente ainsi mon sentiment de peur. Il s’accentue, je m’imagine les méchants russes d’un côté et de l’autre « nous » les démocrates, avec à l’avant-poste, sur le front, des ukrainiens qui se, et nous, défendent.

Je me rends compte que je filtre. L’écho continu comble les espaces vides où je pourrais « penser par moi-même », espaces vides qui me font chercher encore davantage d’appuis, et j’ai peur d’avoir peur. J’angoisse. Je m’imagine moi aussi au milieu de cette guerre, comme victime de bombardements, comme soldat. J’appartiens à un « nous » univoque, coagulé par l’ennemi.

C’est comme si, à force d’être saturé d’images, d’informations, je m’absentais de moi-même, je me confondais avec la communauté des témoins impuissants. Plus personne en moi pour s’appuyer sur quoi que ce soit… je m’absente de moi-même dans une sureté qui s’évanouit aussi vite… une consistance, à chaque instant remise en cause, évanescente…

Et soudain, j’entends un témoignage, celui d’une jeune ukrainienne, Anna. Au 7ème jour de l’invasion, seule dans son appartement à Kyiv, sous le risque permanent d’un bombardement, elle a choisi de vivre dans son couloir plutôt que de se terrer dans le métro.

La journaliste, depuis son studio télé parisien (que je regarde depuis mon salon douillet parisien), lui demande : « Si vous ne partez pas de Kiev c’est parce que vous n’avez pas pu ou bien c’est par choix ? Après un silence, elle répond : « Mais ce n’est pas à nous de partir… c’est aux militaires russes ! ».

Là, sous la menace du feu, elle ajoute : « J’ai une chose importante à vous demander, s’il vous plait, il faut dire « Kyiv », ne dites plus « Kiev » ».

Je fais silence.

Au prix potentiel de sa vie, une jeune Ukrainienne tient à ce que je, nous, dans nos lieux sûrs, disions Kyiv et pas la forme russe Kiev ! L’écouter me serre le cœur. Je me dis « quel courage ! »

Et j’ai peur, moi, à Paris ?

Je ralentis.

Pour être un peu plus à sa hauteur, vivre sans ignorer ce qu’il se passe là et qui me concerne ici, pour davantage habiter mon propre espace – c’est-à-dire avec consistance et liberté, je me demande ce que je peux ajouter dans mon comportement immédiat…

J’arrête la télé.

Le lendemain j’écoute des émissions de radio, sans images, plus approfondies,

Et puis j’écoute parler dans une langue que je ne connais pas, encore, encore.

Écouter, laisser résonner. Je me sens lié. Sans comprendre. Imaginer.

Je lis des articles de fond, traduits de l’ukrainien ou du russe, écrits depuis d’autres contextes, je fais des liens avec d’autres textes, je m’étonne de certains mots, je cherche à prendre en compte d’autres points de vue…

J’ai d’abord l’impression d’être davantage perdu, sans opinion, sans avis univoque à croire ou rejeter, et plus je persévère et fais du tri et plus « la lumière se fait » : des appuis commencent à se faire jour. Je me dis que c’est difficile de comprendre ET je me sens plus assuré.

Je mobilise ma capacité de penser, je fais de la place et me fabrique un, des, avis, une représentation kaléidoscope, et non plus simplement binaire.

Ce que je trouve : coincé que j’étais dans une angoisse, maintenant je me donne du champ, de la liberté et des appuis. Penser un peu différemment. Retrouver tout à la fois sérénité et rage. Par un travail d’appropriation, en filtrant les informations… Ce qui est réel est bien là, présent, mais ma représentation du réel, sous forme de menace, se mâtine d’autres représentations, d’indignation. Je retrouve de la capacité d’agir, de dire. J’écris un travail sur ce sujet que je partagerai avec d’autres. Je me fie à mes propres ressources intérieures davantage que je me fonds dans l’opinion « pilule ».

Sous la menace de bombe, Anna se dit, Anna nous dit, Anna nous donne à entendre à quel point certains mots, certains sons (« Kyiv ») sont essentiels à la vie, quitte à, pour un temps, surseoir à sa propre sûreté, quitte à, pour un temps, assourdir ses propres maux.

Elle nous rappelle : les mots créent le monde que nous voulons voir advenir. Quel mot souhaitez-vous faire entendre ? Quels mots étrangers à vous même écoutez-vous comme on regarde au fond des yeux d’un être cher : non pour sonder mais pour faire écho et dire « Tu es » à notre sœur. Anna quand elle s’adresse à nous ? « Anna tu es » et Kyiv m’habite déjà radicalement différemment depuis que je me suis laissé in-former par toi, quoiqu’il advienne, je suis un peu de ce Kyiv, modeste et humble, presque rien et déjà tant face aux métaux aveugles et brûlants.

A quel point, écoutons-nous, habitons-nous les mots que nos frères, nos proches, nous offrent à entendre ? Ces mots étranges qui disent tout à la fois, à qui veut bien les entendre indiscernables dans le bruit et la fureur, et leur humanité et la nôtre ?

Car écouter, quand bien même, c’est un geste de reconnaissance : je reconnais que tu existes, et de fraternité : sans te comprendre, tant que je continue à t’écouter, tu es mon frère. J’appartiens à la même communauté des humains, et en même temps nos identités sont singulières.

Serait-ce là, la voie vers la paix ?

Usha Matisson

Pour apprendre à « écouter pour mieux s’entendre » :

« Il est flou ! »

Aujourd’hui, lundi, c’est la réunion coordination. Tout le monde est présent sauf Augustin (celui-ci a la charge d’une mission pour l’entreprise, il travaille sur ce sujet depuis longtemps).

Voilà ce qui ressort de la discussion : « C’est flou ! Ce que dit Augustin de sa mission est vraiment flou. Nous, on ne comprend rien, c’est vraiment trop flou ».

Les échanges s’intensifient : « D’ailleurs, son comportement aussi est flou ! On ne sait pas ce qu’il veut faire ! Est-ce qu’il arrête, quand, est-ce qu’il continue de s’en occuper. Il n’est pas clair ! »

Seule Noémie exprime autre chose : « Pour moi, ses propos sont clairs : il dit et redit depuis plusieurs mois qu’il va cesser cette mission. Mais je vois qu’il continue ».

En quoi la logique émotionnelle pourrait éclairer cette saynète ? Comment pourrait-t-elle aider les participants à s’entendre ?

  • D’abord, que se passe-t-il au sein du groupe ?

Il y a un écart entre différents points de vue. Parmi les participants certains, les plus nombreux, décrivent une attitude floue chez Augustin et un seul autre décrit une attitude claire.

  • Ralentissons pour mieux observer ce qui se passe et nous mettre en rapport avec ces différentes informations.

Pour ce faire, tournons notre attention vers l’intérieur de chacun. La LE nous rappelle que nos représentations sont des fictions qui s’élaborent en soi avant de devenir des projections, des jugements sur l’autre ou les autres que soi.

Il s’agirait, fort de cette connaissance, alors d’oser se poser cette question :
Tiens, en parlant d’Augustin, je me rends compte que je me l’imagine flou. Ce flou parlerait-il de moi ? Ou plutôt de mes habitudes et mes actions quand je suis dans certaines situations ? Mais lesquelles ? Peut-être des situations qui me sont étrangères, que je méconnais et qui m’apparaissent complexes. Alors, cela m’arrange de considérer l’autre et son comportement comme étant flous. C’est sans doute une façon de me débarrasser de ce dans quoi je me sens perdu. Tout cela parle de moi ».

Voilà ce que la logique émotionnelle a à dire.
Mais de même, Noémie, dont le point de vue est tout autre, pourrait en ralentissant se questionner : « Cette clarté parle sans doute de moi ! Peut-être que je pose mon attention sur ce que je comprends des propos d’Augustin sans regarder que son attitude est en décalage avec ses mots. Ah, je reconnais là une habitude : voir ce qui m’arrange et éviter ce qui me dérange »

  • Monde flou/monde clair parle de nos représentation du monde environnant car l’humain fictionne et se représente l’autre, lui-même et ce qui l’environne. L’esprit filtre les informations qui arrivent jusqu’à lui par ses sens, il filtre en fonction de mémoires engrammées, d’évènements antérieurs qui s’apparentent à la situation qu’il vit aujourd’hui.

A chaque instant, le cerveau fait le tri parmi des milliers d’informations, il a conservé les mémoires de chaque choc aussi minime soit-il. Et pour aller de l’avant, nous nous remodelons, notre cerveau créé un nouveau petit bout de notre identité.

Et Augustin ? Est-il flou ou clair ? La question est ailleurs que dans cette binarité. Elle est dans la connaissance du processus qui nous responsabilise face à l’attitude de l’autre.

  • La discussion peut alors se clore sur une ouverture : « Je propose de prendre date pour éclairer la situation en écoutant vraiment Augustin et en regardant avec lui ses comportements en rapport avec son intention »

Pour voir plus clair en vous et autour de vous, venez rejoindre la prochaine formation « Percevoir la réalité »

Et apprenez à nourrir votre désir (intention) de clarté !

Catherine Le Sage

Pour que 2022 soit une année nouvelle !

Et si nous ajoutions à l’expression automatique de nos sentiments sous forme de vœux, voire socialement obligatoire, un petit plus en lien avec le désir d’existence ?

Par exemple… Pour 2022, je vous souhaite de cultiver la joie de la Curiosité !

La curiosité était considérée autrefois comme un vilain défaut par l’adulte auquel l’enfant posait une question… à laquelle il préférait éviter de répondre.

La curiosité est pourtant le souci qui, par un retour de la pensée sur elle-même, questionne, interroge, pour dégager le chemin de la connaissance en deçà des habitudes et des réponses toutes faites. Et ce faisant, elle permet de retraiter nos habitudes — cognitives — et nos commentaires — automatiques — à l’aune de notre responsabilité.

La curiosité est un drôle de ressenti qui fait suite au soin que nous portons à notre existence et celle des autres et du monde, un sentiment d’ouverture qui commence par « c’est quoi ? ».

La curiosité invite à faire du neuf avec l’ancien : il suffirait de regarder le connu — l’habitude — comme si nous le voyions pour la première fois, avec étonnement. « Ah, c’est cela que je fais ? »

La curiosité, c’est chercher à croitre avec économie, à recycler l’énergie de l’agitation ou de la colère dans un acte choisi. De l’écologie appliquée.

La curiosité, c’est se retourner vers ce qui est à l’origine, la mémoire corporelle, pour y entendre la vitalité à l’œuvre. Sans jugement ni justification.

La curiosité, c’est ajouter de l’écoute quand on cherche à s’expliquer dans les justifications et de la parole quand on cherche à se cacher dans le silence.

La curiosité, c’est veiller à laisser de côté les tentations automatiques de la pensée vers « L’autre qui… » ou vers le « Je sais bien ! »

La curiosité est la source de la responsabilité !

Allez, je vous souhaite de renouveler votre année et d’être curieux !

Catherine Aimelet Perissol

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