L’émotion, une boussole…
Une boussole pour désirer agir librement dans les transformations écologiques !
Voilà bien un paradoxe tant l’émotion est encore considérée comme la conséquence de circonstances extérieures, relationnelles ou environnementales, nous imposant un ressenti négatif ou positif. Une évidence pour la plupart.
Et qu’importent les découvertes en neurosciences qui révèlent l’insuffisance de cette approche qui peine à s’inscrire dans nos actions tant est grand notre attachement à cette évidence qui associe émotion et affectivité. Nous continuons à penser la prééminence du psychisme sur la matière corporelle, réceptacle devenu passif de la qualité, positive ou négative, de notre affectivité.
Néanmoins, cette approche gagne petit à petit du terrain dans le champ de nos connaissances,
Quand nous sortons de cette vision culturelle et néanmoins erronée, c’est bien souvent pour projeter sur la dite science des capacités à nous sauver de notre mal-être : les techniques vont nous soulager de nous-mêmes, pauvres humains égarés que nous serions !
Or, l’émotion est bel et bien une boussole. Cette métaphore illustre que l’émotion est le témoin d’une expérience de perte sensorielle quand certaines situations résonnent en nous telle une perte de sécurité dans la peur, d’identité dans la colère ou de sens dans la tristesse, mais aussi comme une perte de limite dans la joie.
Nous disons alors de nous « je suis perdu(e) ». Pas étonnant que nous restions si attachés, par habitudes et ignorance, à ceux – ou à ce- qui pourvoient dans l’urgence à nos besoins.
Comment fonctionne la boussole ? L’une des aiguilles, le plus souvent rouge (cette couleur attire automatiquement notre attention) est aimantée. Comme les aimants s’attirent, cette aiguille se place dans le même sens que le champ magnétique de la Terre. Elle montre ainsi toujours la direction du nord. Cette indication oriente notre attention vers quoi tend notre existence dans la situation présente et non sur comment agir.
Le nord nous rappelle l’invariant biologique qui régit la vie, le besoin d’équilibre en mouvement qui garantit l’existence dans la situation dans laquelle nous nous sentons perdus. Ne dit rien du quoi faire. Dans cet espace, se situe notre liberté !
La tentation est bien sûr de retrouver le chemin le plus connu : il nous est familier, il est le plus automatique, voire le plus facile. Ce sont nos habitudes d’actions comme de pensées, celles que nous savons justifier et qui répond, dans l’urgence et en toute bonne foi le plus souvent, à nous « sauver la mise ».
La boussole émotionnelle, en indiquant le nord, se contente de nous informer sur un seul point : notre désir d’exister. C’est tout ? Oui. Nous pouvons nous en émerveiller comme nous savons le faire quand on nous raconte le savoir-faire automatique chez les oiseaux migrateurs.
L’émotion nous oriente sur la valeur de notre présence au monde, sur l’importance d’habiter notre être, notre vie telle qu’elle est en conscience plutôt que de subir notre sort, tenter de lui échapper ou de le contrôler, de nous y accorder. Cette orientation nous offre la liberté. En conscience de la valeur très biologique de notre existence.
C’est là que nous retrouvons la fameuse é-motion ou e(x)-motion qui nous presse de sortir de nos habitudes automatiques, de nous mouvoir hors d’elles. Exister, c’est plus que vivre, c’est se redresser et agir en conscience de cet aimant terrestre et non hors de lui.
Là est le lien entre boussole et liberté, boussole et transformation, boussole et écologie!
La liberté demeure un idéal tant que nous rêvons de nous libérer de notre réalité biologique. Mais en nous alignant au caractère invariant de notre boussole existentielle, elle se réalise ou plutôt, nous ressentons son goût.
La transformation de soi et autour de soi demeurent des mots et des injonctions tant que nous projetons sur l’extérieur ce qui devrait changer. En alignant nos attitudes sur la valeur vivante du don (je donne à l’autre ce que j’aimerais qu’il me donne), la transformation a lieu.
L’ écologique est vaine et reste une contrainte tant qu’elle est étrangère au désir d’existence.
La boussole nous appelle dans la reconnaissance de notre être vivant donc sensible. Non la sensibilité affective qui attend qu’on rassure, mais la sensibilité ou sensorialité liée au système vivant lui-même. N’en déplaise aux approches essentiellement psychologiques, l’émotion est un système qui à ce titre, se fonde sur la nature vivante, dotée de capacités auto-organisationnelles.
Plutôt que chercher à comprendre pourquoi l’autre, ou soi-même, se comporte comme il le fait, gardons à l’esprit que le vivant est orienté par un impératif thermodynamique (1) : dissiper le plus d’énergie possible ! Ce passage mental ramène notre attention sur la boussole terrestre et peut aider à désirer juste ce que nous pouvons faire librement dans les transformations écologiques qui sont déjà là.
(1) Lire RODDIER François Thermodynamique de l’évolution