Décrypter l’intelligence vivante de l’émotion

Année : 2021

Nous sommes définitivement des êtres sensibles !

La sensibilité est le propre de la vie. Pas de vie sans sensorialité, celle de la Terre, de la plante verte, de l’animal celle de l’être humain. Nous sommes sensibles parce que vivants. Mais elle n’a pas toujours bonne presse !

Nous serions trop sensibles dès que perle une larme et se profile un trouble émotionnel, ou pas assez sensible quand nous ne manifestons pas l’émotion qui conviendrait suite à un moment qualifié de… sensible ! Nous faisons tous l’expérience pourtant que la sensibilité ne se décide pas : elle s’impose selon une logique corporelle qui échappe à la logique rationnelle. C’est ainsi que nous avons tendance à nous méfier d’elle, à la juger à l’aune de notre raisonnement — ce qui devrait exister et ce qui ne devrait pas exister — et à développer ainsi des habitudes d’évitement sensoriel qui, malheureusement, intensifie les manifestations sensorielles, d’angoisse, de colère ou de fatigue. De stress donc.

Mais plus nous évitons notre sensorialité, plus nous devenons hypersensibles, et exprimons, envers les autres et/ou envers soi-même, de la réactivité, jusqu’à en tomber malades !

La Logique Emotionnelle nous permet de nous réconcilier avec notre sensorialité. Le plus souvent, nous pensons que nos réactions sensibles viennent de la situation elle-même que nous qualifions de stressante, angoissante, énervante ou fatigante. En externalisant ainsi sur l’événement nos expériences sensibles, nous nous éloignons du véritable sens de la sensibilité.

La sensibilité ou pour utiliser un terme plus actuel dans le monde du bien-être, la sensorialité est une expérience indissociable de la vie : elle témoigne de l’effet en soi de certaines situations extérieures à soi ; elle exprime comment notre monde intérieur est en écho de notre monde extérieur. La température baisse et je suis en tee-shirt ? Je me sens frigorifié et mon corps se met à trembler pour augmenter ma température intérieure. Frigorifiée est une sensation. Ce n’est pas le froid extérieur qui en est responsable mais le besoin de mon corps de s’adapter à cette réalité pour conserver ses 37°. Cet ajustement passe par le désagrément d’une perte d’équilibre temporaire.


Même si nous gardons l’habitude d’accuser le froid, nous voulons bien admettre cette logique adaptative. Mais elle devient plus difficile à accepter quand il s’agit de notre vie affective et émotionnelle.


Et pourtant ! les manifestations sensorielles ont toujours une intention existentielle : nous signaler que notre être vivant cherche à s’adapter, survivre, répondre au besoin de conservation 100 % naturel et biologique.


C’est à nous, êtres humains pleins de raison et si habiles à raisonner loin de cette nature biologique, de nous familiariser avec notre corps, l’apprivoiser, le reconnaitre tel qu’il existe et non tel que nous le voudrions dans nos affabulations.


Alors, notre corps nous rend au centuple l’attention que nous allons lui porter : nous pouvons devenir un être informé « qui en vaut deux » selon la formule consacrée. Non pas informé par les événements extérieurs toujours changeants et que nous ne pouvons contrôler. Mais informés de l’intérieur.


La logique émotionnelle nous invite à faire de notre sensorialité une alliée, à partir à sa découverte et aux étonnants pouvoirs de guérison qu’elle contient. La sensorialité est en effet un mouvement énergétique, naturel et automatique, dans le corps lui-même dont l’intention est non seulement de nous signaler la nécessité de réagir à une situation qui met en jeu notre vitalité mais aussi de favoriser une mobilisation naturelle de survie qui répare des mémoires anciennes.


Il est difficile de raconter cette expérience intime puisque, précisément, elle est intime à chacun. Les mots ne peuvent guère qu’employer les métaphores ou la poésie pour s’approcher de ces expériences pourtant si naturelle.


Mais cet apprentissage — car nous pouvons tous devenir expert en sensorialité — suppose d’accepter le désagrément, l’étrangeté même parfois de cette épreuve. Nos habitudes de pensée nous en éloignent le plus souvent, nous invitant ainsi à reproduire des comportements d’autoprotection sans même réfléchir. Ce qui est certes écologique sur le plan énergétique mais finit par être coûteux sur le long terme puisque nous nous enfermons dans une matrice défensive automatique.


Découvrir, redécouvrir le message sensoriel au cœur de nos émotions, tel est l’invitation de la logique émotionnelle. Que ce soit dans des émotions débordantes ou dans ces habitudes ressassées pleines d’angoisse, de colère ou de culpabilité, l’attention portée à la sensorialité est profondément libératrice.

Catherine Aimelet Périssol

Qu’en est-il quand la vie est en jeu ?

Décidément, l’actualité Covid nous donne à voir combien nos automatismes et nos habitudes sont à l’œuvre en toutes circonstances. Chacun s’adapte au présent avec les polarités conservation-croissance. Certains des bien portants, au nom d’avoir toujours de la sûreté évitent les contacts, quand d’autres, au nom d’avoir toujours de la liberté entendent poursuivre leur vie comme d’habitude. Tout changement d’environnement nous interroge sur nos habitudes et révèle le processus émotionnel.

Survigilance, déni, révolte, dépression… telle est la façon défensive des uns et des autres de s’adapter au contexte présent. Que suis-je si… Qui suis-je si… Quel sens a ma vie si… ?

Ce Clin d’œil sera plus long que d’ordinaire puisque nous avons opté de faire paraitre un morceau choisi du témoignage préparé pour ce clin d’oeil par Usha, psychopraticien en Logique Emotionnelle qui a fait l’épreuve de la maladie COVID-19 et du coma artificiel. Nous verrons combien c’est tout le corps-esprit qui se mobilise dans une épreuve ultime. Alors qu’il constate ses stratégies de contrôle et de maitrise, il réalise aussi que ses habitudes de penser selon ce modèle entretient l’angoisse, puis comment en s’appuyant sur ses sensations, au présent, jusqu’à lâcher prise sur le contrôle, il prend prise sur le sens de la vie. Il abandonne sans s’abandonner, il choisit de suivre le mouvement de vie plutôt que lutter contre la mort.

Réanimons-nous !

Le 3 novembre 2020, à 14h37, j’ai l’impression de renaître. J’ai 45 ans. J’ai passé l’épreuve du Covid, après avoir été plongé dans un coma artificiel, appareillé, pour respirer sans épuiser mon corps.

Ce jour-là je me représente comme le personnage et l’auteur d’un film d’anima-tion au ralenti, chaque geste que je fais, autonome, est un cadeau. Ce « présent » je le palpe, je sens sa texture : épaisse, légère, rugueuse. Je respire à nouveau, seul. Je parle avec ma bien-aimée. Je bois de l’eau. Revivre d’air pur, d’amour et d’eau fraiche : la joie d’une re-découverte !

Quelques jours plus tôt, j’ai été « réanimé », soigné par des femmes et des hommes, éprouvés, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Je leur dis humblement merci…

… J’ai traversé ce ou ces chocs traumatiques, ayant été traversé par eux. Au lieu de m’y arrêter, je m’en suis fait présent. Mon corps a eu du mal à s’en remettre (trois mois d’épreuve) et je vois en même temps à quel point l’expérience de l’épreuve peut s’avérer bénéfique.

J’ai vu combien mes habitudes mentales de pensées automatiques et comportementales de contrôle, m’ont conduit à exiger, parallèlement à ce que je vivais dans mon corps, de conserver coûte que coûte la maitrise et combien cette habitude alimentait mon anxiété. J’en ai fait l’expérience en direct live.

Comme en position méta par rapport à moi-même, je me vois penser, de deux manières :

  1. Penser, mouliner, chercher à contrôler, alimente chez moi l’anxiété, la peur de ne plus pouvoir respirer.
  2. Et simultanément quand je me vois penser, je vois comment le corps lui-même parle et se parle. Cette stratégie cognitive est elle-même du biologique, de l’aspiration à exister !

Deux formes de « penser » qui me font voir mon monde intérieur comme dissocié : mon corps, mon monologue intérieur, et moi-même me regardant agir/penser ? C’est encore une représentation !

En quoi la logique émotionnelle me sert dans cette épreuve et dans l’expérience qui s’en suit ?

La logique émotionnelle je ne sais pas exactement comment ça marche dans les tréfonds de mes automatismes biologiques, mais je sais que ça sert à quelque chose !

Par moments pendant l’épreuve, j’ai pu faire attention à la vie biologique qui m’animait, de voir au ralenti mes mouvements émotionnels, par séquences, pendant que j’étais dans l’expérience. Et ce même si je n’avais pas conscience de toutes les étapes de ce processus !

La pratique de la logique émotionnelle a permis, par bribes, que mon anxiété s’apaise, que mon attention se raccroche à quelque chose de vivant, corporel, au lieu de continuer à croire que je pouvais gérer ma panique, mon émotion. En acceptant mon impuissance je me suis donné un espace vide, plein de puissance potentielle, un creuset d’espoir où mon corps a pu se consacrer à son processus d’auto-guérison.

Mettre en mots m’a aidé, pendant, et après le choc traumatique à sur-vivre, en me considérant davantage humain, parce que cherchant à parler vrai : c’est-à-dire parler de mon processus vital à l’œuvre.

Je me remercie d’avoir fait et de faire déjà tout ceci pour moi, aussi imparfait fut-ce.J’ai été réanimé aux deux sens du terme :

  • mon corps s’est remis à fonctionner sans que j’en ai conscience.
  • je me suis éveillé aux sens qu’avaient les processus biologiques qui me traversent, notamment la fonction de la pensée :
    • toujours vouloir, penser, alimente ma peur ;
    • et simultanément penser c’est aussi se panser, au sens de se guérir.

« Quand on pense avec un e on panse toujours avec un a, penser c’est toujours soigner, quand on pense on doit soigner »

Bernard Stiegler

Je suis responsable de ce que je panse (enfin on peut le penser…)

Dans cette épreuve, j’ai appris que je peux ajouter un choix, ici celui de « vibrer » : par ma propre voix fredonnante mon corps vibre, par l’émerveillement face à la beauté du monde qui m’entoure (les bons soins des soignants, le chant des oiseaux, l’eau, l’air pur) mon esprit se calme, par l’espoir de partages à venir avec ceux que j’aime mon corps s’émeut et s’évade, par l’acte de penser/écrire/me parler de ce que je vis intérieurement, je m’occupe de moi aussi.

Au-delà de la capacité qu’exerce déjà le corps de s’auto guérir, ce choix minuscule « de me faire vibrer » favorise le rassemblement de ce qui est épars en moi en un corps esprit, conscient de lui-même, dans sa douleur, dans sa vitalité.

J’estime avoir eu de la chance de vivre cette épreuve et d’y sur-vivre au sens de pouvoir la dire. Telle est la valeur biologique du langage.

Comment on réagit par rapport à l’environnement ?

Et puis, j’apprends aussi que par rapport aux autres, mon environnement, c’est facile de partir. C’est plus difficile de revenir. J’ai fait l’expérience de ma sensibilité au lien et à l’amour de mon entourage. Réanimé, revenant dans le monde « normal », je me suis senti plusieurs semaines sur une autre planète, mes préoccupations tellement basiques (respirer à nouveau « l’air de rien ») contrastaient avec les préoccupations des autres qui me semblaient éloignées. L’anxiété de ne pas pouvoir respirer a duré quelques semaines après la sortie d’hôpital.

Et petit à petit, confiant que mon corps était en train de se guérir, mon nombril m’a ennuyé. Petit à petit seulement. J’ai senti que c’était le moment de partager cette expérience, en écrivant, encore une fois pour mieux me ressaisir, et aussi dans l’espoir peut-être d’aider ne serait-ce qu’une personne à sur-vivre (au sens de retrouver le sens vital) à une autre épreuve, la sienne.

J’extrapole !  Et notre société, de quoi pourrait-t-elle avoir besoin quand l’asphyxie se présente ?
Tant que nous nous racontons que ça va être difficile, douloureux, mortel, ou que nous sommes dans l’incertitude, nous entretenons le stress, personnel et collectif, sans pour autant nous prémunir du risque, lequel ne dépend pas de nous. Tant que nous alimentons notre moulin à pensées, tant que nous anticipons, tant que nous focalisons sur le problème auquel notre corps a déjà répondu biologiquement (et continuera à répondre car c’est la fonction même de notre système nerveux) la peur grandit en nous.

Et si penser pouvait devenir panser ? Nous avons besoin de prendre la responsabilité de nous-même sans se laisser confiner dans un mode de pensée, cons damnés à penser sans résonner, à tourner en rond dans un monde soi-disant rationnel.

Parlons de ce que nous vivons, ré-animons nous, pansons le monde pour faire la différance (avec un a comme écrivait Derrida), c’est à dire à la fois différer un instant la réponse à mon besoin (et par là faire preuve d’humanité) et aussi différencier ce que je vis (je suis un corps et ses choix – ceux que je fais face à l’adversité) !

Usha Matisson

Pour lire l’intégralité de cet écrit, cliquer ici 

Réanimé : dans quel sens ?

Le 3 novembre 2020, à 14h37, j’ai l’impression de renaître. J’ai 45 ans. J’ai traversé l’épreuve du Covid, après avoir été plongé dans un coma artificiel, appareillé, pour respirer sans épuiser mon corps.

Ce jour-là je me représente comme le personnage et l’auteur d’un film d’anima-tion au ralenti, chaque geste que je fais, autonome, est un cadeau. Je sens la texture du « présent » : épaisse, légère, rugueuse. Je respire à nouveau, seul. Je parle avec ma bien-aimée. Je bois de l’eau. Revivre d’air pur, d’amour et d’eau fraiche : la joie d’une redécouverte !
Quelques jours plus tôt, j’ai été « réanimé », soigné par des femmes et des hommes, éprouvés, à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. Je leur dis humblement merci*.

Aujourd’hui je suis animé d’un désir : ne pas en rester là. J’ai en vie de parler de cette épreuve : se raconter c’est se construire.

Quel « présent » inattendu pourrais je m’offrir ? Ré-animons le film : comment me suis-je accroché à la vie ? Comment suis-je revenu à la vie ?

La représentation commence, c’est la fin !

Mi-octobre, 5h du matin, je suis transféré depuis un autre hôpital en urgence, je débarque dans un service de réanimation. Je découvre, c’est une première. C’est inattendu : je suis attendu… par une foule, les danseurs d’un ballet. Ils virevoltent autour de moi : l’infirmier pique, le médecin m’explique, l’interne prend les constantes, les mots techniques fusent. Une ruche dans un cockpit d’avion. Derrière le médecin, des acolytes, internes, spécialistes, sont là, je remarque leur présence silencieuse.

Je suis couché, ils sont debout. Quel contraste !

Eux les soignants, nombreux, debout, en mouvement, précis, rapides, parlant, techniques, ordonnés ; moi seul, couché, immobile, flou, ralenti, réduit au silence, brouillon, grésillant. Plus je perçois le mouvement autour de moi, dans mon environnement, plus il se reflète en moi dans un affolement intérieur. Plus je perçois le contraste, plus je ressens la gravité du moment, physiquement… j’ai l’impression de sombrer : pantin inanimé et délaissé dans un dessin animé.

On me prend mes affaires personnelles, papiers, téléphone. Aucun moyen de communiquer avec mes proches. Sensible au lien, je m’éloigne et des autres et de moi. Parler m’est presque impossible. Je suis isolé au centre de la scène, comme dans un rêve fiévreux, à la fois là et pas là, ce qui semble à portée de main est inaccessible.

Je me sens assiégé. De bouger je suis incapable, interdit. Je suis à la merci : je me représente enfermé, prisonnier de moi-même.

Que se passe t il ? D’abord je perçois mes poumons qui se durcissent… comme de la pierre. Je suis en train de mourir, informé par une sensation, une sorte de pluie de gravier qui me gifle le thorax. Sensation d’asphyxie. Mon corps qui ne respire plus suffisamment seul, une douleur, une brulure, c’est rêche, du verre dans les poumons, un blocage, quelque chose se serre, ça ne passe pas, l’air ne passe plus, suffisamment.

Mon corps entier semble se figer, se concentrer sur le mouvement respiratoire, je manque d’air ! Il exerce sa liberté : le mouvement intérieur de respiration s’accentue lui aussi de plus en plus, pour de moins en moins d’air… je retrouve de l’air… insuffisant, je suffoque. Mon corps peut encore créer, un peu, trop peu, saccadé, ce mouvement intériorisé, pas du tout dans l’amplitude dont j’ai l’expérience, et pourtant c’est déjà, encore, de la liberté !

Au nom de mon désir de rester vivant, pour avoir toujours de l’air, je m’agite, je fais des signes avec les mains, les yeux…

Au niveau cognitif un tourbillon de questions, une foule de pensées, reflet du mouvement incessant de soignants, un ballet d’interprétations contradictoires m’assaille… j’ai peur de ne plus du tout respirer, je m’affole encore plus.

C’est tout mon « corps esprit » qui se mobilise à cet instant-là.

Ce que je fais pour continuer à vivre

Pour m’aider à respirer on me met un masque. Ok ! Non pas OK ! qu’est-ce que je dois faire ? faut-il inspirer par le nez ou par la bouche ? dans quel sens ça marche ? de quoi je parle : le masque, le processus émotionnel, la vie ? Quelle confusion ! Parler ? Je veux demander, impossible ! J’ai l’impression d’avoir le bec cloué. Parler n’est plus une option !

Dans mon désir de maîtrise, parmi mes habitudes mentales en situation de crise, il y a celle de m’adresser à moi-même comme à un autre, une forme de dissociation, entre « moi » (je me mets « entre guillemets » ?) et mon corps : « comment respirer avec ce truc ? Appliquons-nous. Expérimentons (vite ! s’il te plait) ; TU DOIS y arriver ! Allez Usha, souffle pour calmer « la bête », ne te laisse pas assaillir par les pensées noires, et n’oublie pas d’inspirer toi corps pour ne pas expirer ! »

Je veux m’appliquer, le médecin a été clair, rester conscient, j’entends vivant, dépend de ce masque, ou alors prochaine et dernière alternative : le coma artificiel ! Je me sens sous pression. Le temps presse. Le temps passe.

Moins ça marche, plus je pense… si mon corps ne peut rien mieux vaut que je pense, c’est toujours mieux que « rien ». Focalisé sur mes pensées, je perçois moins ce qui est présent, déjà, et me meut (m’émeut) corporellement. J’ai beau vouloir rester dans le pur esprit, mon corps fait son office et m’agit.

Pour répondre à son élan de vie une lutte s’instaure entre d’un côté le corps agissant qui préserve ce qui est et de l’autre le cognitif dans son désir d’avoir toujours plus de vie. Je voudrais bouger, dynamiser voire dynamiter ce qui est figé : le corps se fige, et la pensée bouge. C’est le match de ma vie.

Stratégie connue : plus je tente de maitriser mes mouvements de respiration, plus j’alimente ma peur de ne plus pouvoir respirer.

Je vois mes pensées tourner en rond et je vois mon corps agir autrement que ce que je veux. Plus je suis attentif à mes pensées, moins je le suis à mon corps. Plus je pense plus je me vois dissocié.

Nous avons tendance à imaginer que la volonté peut tout, mais face à la crise aiguë, à quoi ça sert d’avoir de la volonté quand le corps est déjà à la manœuvre ? Et pourtant, finalement, même dans cette situation, j’ai encore une liberté de choix : aller dans le « bon » sens (celui des aiguilles qu’on me montre ?), d’accompagner mon corps, dans une mobilisation synchronisée : laisser mes pensées « faire corps » !
Tant que mon corps lutte je continuer d’exister…

Accepter ou abandonner ?

Le masque n’a pas suffi, l’affolement n’a pas aidé. Le médecin m’informe : on devrait se préparer pour la respiration artificielle et le coma, sans tarder. Nous allons droit vers l’ultime alternative. Un instant l’angoisse m’assaille : et si je ne me réveillait pas ? Dans un élan vital, la conscience de la possibilité de mourir arrête tout net ma pensée.

A ce moment on m’enlève le masque quelques instants, en attendant l’anesthésie. Et je peux à grand peine dire quelques mots (les derniers ?) je me sens libre ! Dans mon désir d’être toujours en lien, j’ai l’habitude de communiquer, de mettre des mots sur ce qui m’arrive, et quand je ne peux pas, je vais tout de même me parler à moi-même, entendre ma propre voix… Effectivement, sentir les vibrations graves par vagues dans mon corps, ça me rassemble : esprit et corps liés par la voix.

Et voici que je me ressaisis, différemment, mobilisé entièrement pour accompagner ceux qui m’accompagnent, dans une unicité retrouvée, un soi (sans guillemets) et qui me dépasse : je me sens plus calme. A l’instant où je dis « oui allons y pour le coma », je prends la responsabilité de suivre ce que le corps (médical ?) me dit, j’adhère : je m’abandonne sans abandonner.

Tout de même : que va-t-on faire de moi endormi ? Entre sécurité et identité, comment garder ma liberté, mon autonomie ? A tout prix refuser d’être un objet. Si je ne suis pas un objet qui suis-je ? Un être vulnérable qui s’en remet aux autres, pas seulement en tant que malade mais en tant qu’humain prêt à se ressaisir lui-même à la moindre occasion !

Quand les soignants m’anesthésient, je suis en train, avec le peu d’air que j’ai de fredonner (je me demande ce que « donner à Freud » vient faire là), la vibration dans mon corps, particulièrement dans ma tête et mon thorax (tiens !) est le mouvement que je peux encore choisir librement pour m’accompagner et rester sujet.

A cet instant précis la panique et la volonté rendent les armes, simultanément. C’est finalement le coma qui aura raison de la bataille, le Général Volonté capitule et déserte dans les limbes, dans l’absence d’une conscience monolithique.

Tout mon corps dit OUI à ce qui aurait dû m’affoler encore davantage (dans une forme de logique raisonnante). La résonance, la vibration n’est pas la raison. Le corps sait que sa part esprit doit lui lâcher la bride pour mieux se ressaisir de lui-même en s’appuyant confiant sur ce qu’il fait déjà pour son auto-guérison.

Se réveiller davantage humain

Je m’endors… plusieurs jours…

Mon corps et mes poumons recouvrent partiellement leur capacité perdue.

Je plonge, je plonge, j’ai touché le fond.

Je peux dire « Merci coma, tu m’as permis d’arrêter la stratégie de lutte et l’anxiété qui va avec ». Et voici encore un cadeau : ce qui se présente et que je refuse est toujours malgré tout un « présent ».

Je me réveille, encore appareillé. Tel un nouveau-né, je reprends conscience, la douleur m’informe, d’une « petite » chose « évidente » que j’avais oublié presque toute ma vie : le souffle, c’est la vie ! Le prendre puis le rendre… le mécanisme de respirer, ça fait mal !

Je suis là et pas là. On me dira endormi, je suis pourtant conscient de ce qui se passe autour de moi, dans une hyper vigilance, attentif, au paroxysme de l’animation intérieure. Les pensées carburent sans arrêt. Quand je ferme les yeux je vois des images ou des reportages délirants, comme une obsession. Impossible de dormir plus de quelques instants. Ça dure cinq jours en s’estompant petit à petit. L’impression d’être encore plus dépendant qu’avant le coma. Je suis attaché, les poignets liés. J’ai été intubé. Je ne peux toujours pas parler. Je suis désorienté (suis-je en Espagne à construire des châteaux ?). Réveillé mais pas libéré ! Encore prisonnier ! Encore appareillé. Pas sorti de l’auberge ! J’ai l’impression de me noyer, d’être littéralement sous l’eau. Et dépendant de soignants qui doivent venir me changer la bouteille d’oxygène toutes les deux heures en me disant : soyez tranquille, on ne sait pas quand vous allez ressortir la tête de l’eau, un jour, d’ici là on revient… Et souvent deux heures plus tard, d’autres malades plus graves ont besoin de soin en priorité, compréhensible mais flippant quand on sent qu’on s’asphyxie ! Je n’ai pas la force pour de simples gestes. Je m’enfonce dans les abysses, dans la nuit, dépendant d’un masque à oxygène, dépendant de soignants.

Et chaque instant, davantage, je descends, je dépens, je m’abîme, et dans mon corps, et dans mes pensées.

Et ça y’est c’est reparti, je m’emballe, le moulin à pensées tourne à nouveau à plein régime, des images obsessionnelles, des hallucinations.

Bon sang de bonsoir, comment respirer efficacement avec cet attirail ? Le gouvernail semble m’échapper. Je me parle à nouveau : « Tu dois bien respirer. Pas trop tousser. Pas inspirer trop. Il faut… blablabla ».

Plus je me raconte que « ça ne va pas passer », que « ça va être difficile », plus je crois que je vais me noyer. Plus je me dis c’est sûr « ça va continuer à faire mal » plus j’entretiens la peur de m’asphyxier.

L’épreuve de la mort ? Non ! Les preuves de l’amour…

Entre la mort et la vie, je me cramponne à ce qui compte à cet instant : « moi ». Aucune morale. Et pourtant le souvenir des autres, aimés et amis, leurs messages, remplacent souvent les obsessions, les idées noires qui m’assaillent. Ces récits me donnent du répit, entre une impression de noyade, une asphyxie, et une toux à s’arracher les poumons (si seulement !) et à réveiller un mort (c’est peut-être l’idée ?), je « respire » intérieurement la joie : je souris aux moments d’humanité et de partage que j’espère et projette… une promenade en forêt ? un repas partagé ? un regard sans parole ! Et me voilà vibrant, à fredonner pour me calmer.

Dans le registre humanisant il y a aussi les gestes de certains soignants, qui dépassent la technique et le soin : un salut d’une main serrée (ce n’est rien ? c’est tant !), un appel vidéo à mon épouse ou un ami !

C’est là, à « l’épreuve de la mort » (ou de façon plus réaliste de l’idée de mourir), de la tentation d’abandonner, dans la solitude intérieure du « sombre vide », que j’ai fait l’épreuve de l’amour, entre la panique et la douleur : être aimé tel que je suis, sans devoir rien faire, sans pouvoir rien faire ? Être digne malgré tout et in fine de l’amour des autres ? Une vie à en douter, un instant pour le goûter… Tohu bohu. Quelle bénédiction !

Renaissance : Relevons nous !

Ce 3 novembre on m’enlève enfin l’appareil auxiliaire. Une appréhension, pourrais-je respirer sans ?

A cet instant je vis des sensations à la fois puissantes et libératrices, apparemment nouvelles, en réalité primitives.

Vivre d’air pur, d’amour et d’eau fraiche n’est pas une sinécure. Je comprends la valeur biologique, vitale du souffle.

Qu’est-ce que naître ? Respirer ? C’est d’abord laisser, pour la première fois, l’air entrer et gonfler les poumons. Ce déploiement intérieur est un étonnement pour le corps qui change de milieu et dépend pour la première fois de sa propre capacité de mouvement ! Ça s’apprend. Ça se perd. Ça se réapprend. Boire ? goûter à nouveau, c’est aussi mesurer la valeur de ce qui est présent et du cadeau que le monde nous fait, laisser entrer en soi, de sa matière, liquide, d’une température différente. Quel bonheur ! Parler ? créer du lien, jusque-là j’étais tout seul dans ma tête, à sombrer dans le conflit intérieur corps/pensée. Parler au sens du vrai dialogue, avec l’autre et le monde qui entrent eux aussi en moi, au sens où je produis un son extérieur qui reste moi et qui simultanément devient autre… et contribue au monde : ma parole.

Qu’est-ce que « re-naître » ? c’est prendre et rendre, de nouveau pour la première fois, dans un échange permanent avec le monde. Incorporer la matière du monde. Être c’est être davantage. Exister c’est être moins soi par ce mouvement de prendre du monde qui me transforme ; et simultanément davantage soi par le mouvement de donner de soi qui transforme le monde.

Enfin, j’ai mesuré à quel point marcher, pouvoir se mouvoir, dans le monde, aller de l’avant, dans la croissance de soi n’est possible qu’à la condition des gestes du quotidien : quelques jours alité, sans avoir la force qui permette de bouger, et les muscles fondent ! Impossible de marcher.


Vous qui ces temps-ci restez statiques chez vous, peut-être devant votre ordinateur, assis voire alités, vous pouvez aussi mesurer comment le corps, sa santé, sa capacité de bouger et partant l’esprit, vos pensées, dépendent des petits mouvements que vous faites sans conscience au quotidien. Levons-nous !

Qu’est-ce que je retire de cette expérience ?

J’ai traversé ce ou ces chocs traumatiques, j’ai été traversé par eux. Au lieu de m’y arrêter, je m’en suis fait cadeau. Mon corps a eu du mal à s’en remettre (trois mois environ) et en même temps j’ai vu à quel point l’expérience de l’épreuve était bénéfique.

J’ai vu combien mes habitudes mentales de pensées automatiques et comportementales de contrôle, m’ont conduit à exiger, parallèlement à ce que je vivais dans mon corps, de conserver coûte que coûte la maitrise et combien cette habitude alimentait mon anxiété. J’en ai fait l’expérience en direct live.

Comme en position méta par rapport à moi-même, je me vois penser, de deux manières :

  1. Penser, mouliner, chercher à contrôler… alimente chez moi l’anxiété, la peur de ne plus pouvoir respirer.
  2. Et simultanément quand je me vois penser, je vois comment le corps lui-même parle et se parle, encore, déjà. Cette stratégie cognitive est elle-même du vivant, de l’aspiration à exister !


Deux formes de « penser » qui me font voir mon monde intérieur comme dissocié : mon corps, mon monologue intérieur, et moi-même me regardant agir/penser ? C’est encore une représentation !

Revenons à ce que déjà je fais dans la situation. Face à la perception de la dureté dans mes poumons et de mon environnement (le ballet de soignants autour de moi, la distance avec mes proches), je me suis laissé croire que je ne pouvais plus respirer et encore moins communiquer, parler. Je me suis alors rigidifié, ma stratégie habituelle (parler à d’autres) était empêchée. Je me suis agité, l’anxiété a augmentée. Après un temps, et sans articuler, j’ai quand même pu : d’un côté, me parler (en pensée) et d’un autre, une fois le masque tombé, fredonner. Ce faisant, j’ai reproduit de façon désynchronisée l’effet habituel de ma parole sur moi dans l’espace du corps et du cognitif. Le calme est revenu. J’ai donné mon accord pour la guérison et l’auto-guérison.

Ainsi, j’apprends que je choisis de me faire vibrer : par ma propre voix, par l’émerveillement face à la beauté du monde qui m’entoure (les bons soins des soignants, le chant des oiseaux, l’eau, l’air pur), par l’espoir de partages à venir avec ceux que j’aime, par l’acte de penser/écrire/me parler de ce que je vis intérieurement.

Ces choix minuscules favorisent le rassemblement de ce qui est épars en moi en un corps esprit, conscient de lui-même, dans sa douleur, dans sa vitalité.

C’est freudonner pour moi qui me donne la force de faire la différance (avec un a comme écrivait Derrida), c’est à dire à la fois différer un instant la réponse à mon besoin (et par là faire preuve d’humanité) et aussi différencier ce que je vis (je suis ce que je serai, c’est-à-dire un corps y compris ses choix – ceux que j’aurais fait, en situation, face à l’adversité).

Et puis, j’apprends aussi que par rapport aux autres, mon environnement, c’est facile de partir. C’est plus difficile de revenir. J’ai fait l’expérience de ma sensibilité au lien et à l’amour de mon entourage. Réanimé, revenant dans le monde « normal », je me suis senti plusieurs semaines sur une autre planète, mes préoccupations tellement basiques (respirer à nouveau « l’air de rien ») contrastaient avec les préoccupations des autres qui me semblaient éloignées. L’anxiété de ne pas pouvoir respirer a duré quelques semaines après la sortie d’hôpital. Il s’agit de s’occuper de soi sans trop se préoccuper de soi, et si ça me préoccupe quand même, d’accepter que se préoccuper est une façon acceptable que le corps a de s’occuper de lui-même.

Et petit à petit, confiant que mon corps était en train de se guérir, mon nombril m’a ennuyé. Petit à petit seulement. J’ai senti que c’était le moment de partager cette expérience, en écrivant, encore une fois pour mieux me ressaisir, et aussi dans l’espoir peut-être d’aider ne serait-ce qu’une personne à sur-vivre (au sens de retrouver le bon sens) à une autre épreuve, la sienne.

En quoi la logique émotionnelle me sert dans cette épreuve et dans l’expérience qui s’en suit ?

La logique émotionnelle je ne sais pas exactement comment ça marche dans les tréfonds de mes automatismes biologiques, mais je sais que ça sert à quelque chose !

Par moments pendant l’épreuve, j’ai pu faire attention à la vie biologique qui m’animait, de voir au ralenti mes mouvements émotionnels, par séquences, pendant que j’étais dans l’expérience. Et ce même si je n’avais pas conscience de toutes les étapes de ce processus !

La pratique de la logique émotionnelle a permis, par bribes, que mon anxiété s’apaise, que mon attention se raccroche à quelque chose de vivant, corporel, au lieu de continuer à croire que je pouvais gérer ma panique, mon émotion.

En acceptant mon impuissance face à des réactions violentes et nouvelles de mon corps, je me suis donné un espace vide plein de puissance potentielle, un creuset d’espoir et de sens où mon corps esprit a pu davantage se consacrer à son processus d’auto-guérison.

Mettre en mots m’a aidé, pendant, et après le choc traumatique à sur-vivre, en me considérant davantage humain, parce que cherchant à parler vrai : c’est-à-dire parler de mon processus vital à l’œuvre.

Je me remercie d’avoir fait et de faire déjà tout ceci pour moi, aussi imparfait fut-ce. J’ai été réanimé aux deux sens du terme :

  • mon corps s’est remis à fonctionner sans que j’en ai conscience.
  • je me suis éveillé aux sens qu’avaient les processus biologiques qui me traversent, notamment la fonction de la pensée :
    • toujours, vouloir, penser, alimentent ma peur ;
    • et simultanément penser c’est aussi se panser, au sens de se guérir.

Comme disait Bernard Stiegler (inspiré par Derrida lui-même inspiré de Husserl) : « quand on pense avec un e on panse toujours avec un a, penser c’est toujours soigner, quand on pense on doit soigner », sinon ça n’a pas de sens.

Je suis responsable de ce que je panse (enfin on peut le penser…)

J’estime avoir eu de la chance de vivre cette épreuve et d’y sur-vivre au sens de pouvoir la dire. Telle est la valeur biologique du langage.

Et notre société, de quoi pourrait-t-elle avoir besoin quand l’asphyxie se présente ?

Tant que nous nous racontons que ça va être difficile, douloureux, mortel, ou que nous sommes dans l’incertitude, nous entretenons le stress, personnel et collectif, sans pour autant nous prémunir du risque, lequel ne dépend pas de nous. Tant que nous alimentons notre moulin à pensées, tant que nous anticipons, tant que nous focalisons sur le problème auquel notre corps a déjà répondu biologiquement (et continuera à répondre car c’est la fonction même de notre système nerveux) la peur grandit en nous.

Et si penser pouvait devenir panser ? Nous avons besoin de prendre la responsabilité de nous-même sans se laisser confiner dans un mode de pensée, cons damnés à penser sans résonner, à tourner en rond dans un monde soi-disant rationnel.

Parlons de ce que nous vivons, ré-animons nous, pansons le monde pour faire la différance !

Usha Matisson, le 26 février 2021

* Merci à toute l’équipe du service de neurologie du pavillon Montyon de l’Hopital Pitié Salpêtrière et particulièrement à Martine et Sylvain dont les gestes exceptionnels d’humanité ont contribué à mon rétablissement.
Merci à Catherine Aimelet-Perissol, Clothilde Marciano, Sylvie Alexandre-Rochette notamment pour les remarques et relectures.

Et si de l’amour, nous avions encore à apprendre ?

Conférence thématique animée par Catherine Aimelet Périssol le 14 février 2021 à 15 h

De l’amour, nous parlons le plus souvent sous le seul vocable affectif, un « j’aime/ j’aime pas » assez enfantin !
Utilisant le même terme pour évoquer l’autre et ses comportements ou sa coiffure, le chou-fleur ou la nouvelle rencontre pour laquelle notre cœur chavire !
Nous y mêlons notre confiance, notre identité, voire notre avenir.
L’affectif psychique semble recouvrir nos sentiments d’une couverture chargée de nous rassurer. Et si l’amour était bien plus que cet état idéal de confort ?
Et si la biologie nous donnait à voir que l’amour plonge ses racines dans le fonctionnement de nos cellules pour s’étendre, via le langage, dans un sens de responsabilité, celui du choix d’être ?
Alors l’amour, qu’il concerne soi, l’autre, une activité ou un avenir à bâtir, nous invite à retrouver son origine étymologique : aimer, c’est choisir, choisir ce qui est là, vivant, présent, confortable et même inconfortable ! Nous pouvons renouveler notre rapport à l’amour et nous éloigner de sa seule forme affective, insuffisante pour voir l’ampleur de cette expérience.
Parlons-en ensemble le 14 février 2021.
Catherine Aimelet Perissol

Facebook, page de la Logique Émotionnelle

La logique émotionnelle, une ressource pour le Médiateur ?

Webinaire du CEMA diffusé par Zoom

Dr Catherine AIMELET PERISSOL donnera une conférence samedi 6 février 2021 18:00

Catherine AIMELET PERISSOL sera accompagnée par Madame Sophie GERONDEAU LIBAUD accompagnée par Madame Sophie GERONDEAU LIBAUD médiatrice et psycho praticien formée à la Logique Émotionnelle

Ce Webinaire est animé par Madame Catherine EMMANUEL, Directrice pédagogique du CEMA
Ce webinaire est en partenariat avec l’Institut de Logique Émotionnelle.

Se libérer du passé pour agir en conscience au présent

L’émotion est un langage universel, même si les cultures diffèrent.

Le tout petit bébé le connaît instinctivement. Mais, sous l’impact de l’éducation, de la socialisation et d’événements déstabilisants, nous en avons perdu l’usage. Heureusement, celui-ci revient au fur et à mesure que nous nous exerçons.

Quand nous comprenons ce que la peur, la colère et la tristesse nous disent, quand nous réalisons que nos comportements d’évitement, d’agressivité ou de soumission s’adressent à nous, pour nous inviter à questionner nos automatismes et nos croyances, alors nous nous libérons de notre passé pour agir en conscience au présent.

Oser être soi passe par la reconnaissance du fonctionnement de notre réalité. L’aveu à soi-même de notre vulnérabilité, de notre impuissance à être parfait, à être autre que ce que nous sommes, fera alors écho à la richesse de notre potentiel.

L’émotion, avec les nombreux symptômes qui l’accompagnent, se manifeste dans un écartèlement entre un « ce dont j’ai besoin pour être intègre » et un « interdit au nom de l’autre ». Nos réactions de défense tentent de combler, dans l’urgence, cet écart qui menace la vie. N’en restons pas à ces réactions automatiques et coûteuses sur notre équilibre !

Mon regard LE sur la vie de la cité

Formée à la logique émotionnelle (L.E.), je me surprends de plus en plus régulièrement à chercher à relier les éléments de ma vie quotidienne et de mon environnement avec les étapes de la « grille » de lecture du processus émotionnel. Je me vois extraire certaines informations et reconnaitre que la sélection est l’œuvre du filtrage d’informations qui s’effectue automatiquement.
Cette grille de lecture est donc devenue un filtre supplémentaire grâce auquel je regarde les autres, le monde et moi-même! Telle est la loi de la biologie : nous percevons en fonction de filtres de représentation, tous orientés vers le maintien de la vie.


Je m’aperçois que mon attention se porte, de manière spontanée, sur certains mots : ils m’apparaissent pertinents, saillants… selon ma propre grille de lecture émotionnelle, bien sûr. Ils sont en rapport avec l’identité, le besoin d’être en lien avec ses deux polarités : l’appartenance et la différence.

Comment la logique émotionnelle peut-elle m’aider à éclairer les enjeux de territoire dont nous parlent tant les médias ?

En regardant les mots qui m’interpellent : séparatisme, appartenance, protectionnisme, luttes identitaires, frontières, protection, droits nationaux, migrants, libre-circulation, communauté, union, fédéral, gouvernement cantonal, sécurité, libertés publiques, immunité collective, responsabilité individuelle, se protéger, protéger l’autre. Ceux-là mêmes qui, par ailleurs, servent à décrire le besoin d’identité à l’œuvre. Car les mots servent à décrire l’existence qui se joue d’abord sans mot, dans le champ émotionnel du vivant, avant la traduction de ce vivant dans le langage et la pensée.

Ainsi mon esprit tricote, tisse. Des liens se dessinent : l’autre, le domaine de la relation, de la rencontre, ou de la rupture, de la reconnaissance, masqué, ou pas ; domaine de l’identité, de la lutte ; domaine de la famille, de la tribu et de la cité. Au niveau du discours politique et social se réfléchissent les mêmes mécanismes de singularité, de différence, d’appartenance. Lire Antonio Damasio, Henri Laborit et Francesco Varela, fut pour moi la révélation de l’extension du biologique, du niveau cellulaire vers le champ du groupe social des individus, selon un champ de forme de plus en plus ample. Écouter les informations du moment me semble plus audible avec la boussole de la grille de lecture des émotions ! Un repère !

Prennent sens alors, au travers de mon regard « L.E. », les expériences multiples de contrôles d’identité, de formalités de passeports aux douanes, autant d’actions teintées de valeur biologique. Le « corps » social fonctionne avec un système immunitaire, veilleur et sentinelle, en mission de reconnaissance du connu versus l’inconnu ; du familier, pourrais-je dire du national, versus l’étranger, voir l’intrus et même, l’indésirable. L’inconnu, c’est celui appartient à l’ailleurs, le différent, le non-connu, le non-reconnu. Qui pourrait faire danger quand il ne correspond pas au déjà connu, au déjà enregistré comme « bon pour la vie »…

La LE donne à voir, avec humilité combien nos actes sont faits d’habitudes défensives, automatiques et non conscientes, orientées vers la survie de l’être vivant. Habitudes habillées d’explications, de justifications et d’interprétations.

Yassamane Sassanfar

Comment comprendre les phénomènes d’attachement, de dépendance et d’addiction avec la logique émotionnelle ?

Un exemple d’attachement qui parle à tous…le corps est naturellement « attaché » à l’air, à la nourriture qui lui garantissent son existence. Le phénomène d’attachement est donc biologiquement inscrit dans la résonnance entre « quelque chose d’extérieur et quelque chose d’intérieur », entre un objet et un sujet qui interagissent. Nul ne peut échapper à cette réalité sur laquelle est fondée notre vie. C’est sur cette base fiable que s’élabore « ce à quoi nous tenons ».

Ce processus se retrouve dans nos habitudes comportementales, fondées sur nos besoins et nos désirs d’être : nous cherchons naturellement à vérifier notre existence et ce, d’abord de façon inconsciente. Ainsi nos systèmes de défense de type fuite, lutte ou repli, habitudes de chercher à échapper, à maitriser ou comprendre sont mémorisés comme moyen, seul et unique même, de survivre et donc de vivre. Nous voilà attachés biologiquement puis psychiquement à nos comportements, jusqu’à en être addicts. « Si je n’ai pas mon whisky, mon soda, mon portable, je vais me sentir mal, je vais être en manque, c’est pas possible pour moi » est une phrase qui parle non de raison mais de l’inscription d’expérience corporelle, étendue à l’esprit et à la conscience. Aussi, raisonner et chercher à convaincre la personne de changer d’attitude est-il vain, voire épuisant pour celui qui s’y essaye. Tant que la personne addicte n’identifie pas sensoriellement la dimension corporelle à l’origine de son comportement, elle demeure dépendante de l’objet de sa satisfaction. A l’origine et non en conséquence : en effet, attachement, dépendance et addiction sont d’abord les solutions du corps esprit pour conserver la satisfaction d’un besoin, anticipant la souffrance potentielle d’une nouvelle frustration.

Le désir d’avoir de quoi être est une construction psychique naturelle à partir de l’expérience biologique. Même étendu dans le temps sous la forme d’un désir d’avoir toujours et tout le temps satisfaction n’est pas le problème. Il est même notre façon de « persévérer dans notre être » comme le disait Spinoza, si au fait de l’élan qui anime naturellement la personne.

La logique émotionnelle, en mettant en évidence le phénomène biologique d’attachement, lové au cœur des habitudes d’addiction et de dépendance, soulage de la culpabilité qui aggrave la souffrance. Elle rétablit chacun dans son intention d’être, regarde comment s’y prend la personne dans la persévérance de son existence et ainsi dans la satisfaction de ses besoins de sécurité, d’identité et de réalité. Car ses besoins, corporels et devenus désirs conscients, sont existentiels : nul n’échappe à la construction des moyens d’y répondre. C’est en favorisant l’accord entre l’intention et le moyen employé jusqu’à ce jour, moyen défensif, couteux mais efficace, que la personne pourra s’ouvrir à d’autres voies pour répondre au même désir.

Toutefois, l’habitude d’obtenir satisfaction par le moyen habituel demeure marquée longtemps dans le corps. Le travail est difficile, au pro rata de l’immédiateté de la satisfaction considérée automatiquement comme source de vie.

La voie de libération du moyen initial passe essentiellement par l’expérience corporelle et bien peu par l’usage du raisonnement, aussi juste soit-il.

Addiction, dépendance et attachement sont des phénomènes naturels. Ils augmenteront d’autant plus que nous cherchons à échapper à la réalité biologique de notre corps. La logique émotionnelle est indispensable à la compréhension de ce processus.

Qu’est ce que la résilience ?


Il existe deux définitions de la résilience :

  • l’une physique,  valeur caractérisant la résistance au choc d’un métal 
  • et une autre psychique, capacité à surmonter les chocs traumatiques.

Même si aujourd’hui corps et esprit ne sont plus présentés comme distincts, il n’en demeure pas moins que dans nos représentations, nous demeurons très attachés à considérer l’esprit comme le commandeur du corps… Or, le psychisme est la prolongation du processus adaptatif du corps à son environnement. Il permet une « encore meilleure » adaptation mais ouvre aussi un champ d’expérience mental d’anticipation qui déborde la seule adaptation immédiate ou probable. Nul ne peut échapper à ce processus biologique qui relie corps et esprit dans une même dynamique.


Ainsi la logique émotionnelle permet-elle de voir la résilience comme un mouvement naturel : valeur de résistance corporelle au choc et, donc, capacité à surmonter les chocs traumatiques. Pas de psychisme sans expérience corporelle, pas de désir sans besoin satisfait par la capacité du corps à survivre automatiquement aux événements qui surgissent autour de lui.


Nous sommes tous naturellement résilients puisque nous sommes vivants, puisque nous trouvons tous de quoi vivre dans l’environnement qui est le nôtre et des événements qui nous heurtent. Comment est l’histoire de chacun, puisque chacun se construit sur ses expériences corporelles et affectives. Pour quoi est l’histoire de notre animalité étendue dans notre humanité, ce que nous nommons parfois l’humaine condition, partagée à ce jour par quelque 7 milliards d’individus rassemblés en groupes et cultures distinctes mais répondant aux mêmes désirs d’existence.


La LE permet aussi de nous interroger sur un terme volontiers utilisé : surmonter les chocs. Ce verbe signifie dominer, surplomber ou dompter. En clair, les chanceux résilients seraient ceux qui ont une capacité à dominer le choc, à le mater ou se hisser au-dessus. Nous retrouvons là l’habitude très humaine de se vouloir toujours plus : plus grand, plus fort, plus intelligent, plus résilient. En réalité, face au choc, chacun trouve la voie résiliente qui lui permet d’avancer à sa façon : d’abord dans l’urgence de survie corporelle puis petit à petit dans la construction de son existence à partir de cette première expérience.


La LE donne à voir comment chacun s’y prend, par le déni dans la fuite, par la maitrise des autres, par la recherche de sens du repli, par la survitalité de l’optimisme.
Lors des modules, lors des entretiens, l’écoute et la restitution à la personne des moyens qu’elle se donne pour survivre aux chocs puis vivre avec eux est la voie de la résilience : la personne se découvre ayant agi, sans l’avoir voulu en conscience mais tout simplement en ayant fait ce qu’elle a fait comme elle a fait. Une restitution profondément respectueuse de l’être.

Émotion et méditation

Co-animé par Catherine Aimelet-Périssol et Sylvie Alexandre-Rochette

Méditer son émotion

« J’ai envie de méditer, mais je n’y arrive pas : je ne tiens pas en place, j’ai des pensées qui m’agitent la tête et j’ai trop d’émotions. On me dit que c’est normal mais alors à quoi sert de méditer ? Je lis qu’on peut méditer avec son émotion, mais ça veut dire quoi ? » 

Peut-être, avez-vous l’impression que « quelque chose vous empêche » de découvrir cette voie de recentrage et vous trouvez ça dommage.

La logique émotionnelle est une pratique qui s’allie naturellement avec la pratique de la méditation : elle propose de méditer ses émotions. Non pas d’y penser, ni d’y réfléchir, ni de les chasser, encore moins de les maitriser ou à défaut de les subir. Non, elle vous propose d’entrer en rapport avec elles pour ce qu’elles sont, une expérience, un langage qui délivre un message.

Méditer, c’est être à l’écoute du mouvement émotionnel dans son sens vital, dans une forme de sécurité intérieure propre à soi, mais aussi dans son impermanence.

Méditer son émotion, c’est entrer dans la réalité de son existence telle qu’elle est, là, pour soi. C’est apprendre à faire la paix avec notre nature humaine.

La méditation nous ouvre à :

  • Ce que je vis ici et maintenant, présent à moi-même, au souffle, aux sensations et aux ressentis qui est ma réalité présente,
  • Ce que je suis, un corps vivant, éprouvant et respirant,
  • Qui je suis, un corps qui occupe une place,
  • Interdépendant de ce qui m’entoure,
  • Bienveillant, c’est-à-dire qui veille bien sur mes besoins fondamentaux, ceux de mon entourage et de mon environnement.

Pédagogie :

  • Des temps de méditation courte et longue, statique et en mouvement ;
  • Des étirements, de la marche méditative,
  • Des temps de silence et d’écoute de notre environnement,
  • Des exercices d’attention et de concentration,
  • Des partages d’expériences avec la grille de lecture de la Logique Émotionnelle.
Institut de Logique Emotionnelle - 9 rue d'Avron 75020 Paris

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